La plupart des enfants adorent inventer des histoires, jouer avec les mots nouveaux. Et justement, lorsqu’on cherche à stimuler le langage oral chez son enfant, il faut s’intéresser à la qualité de son imaginaire et de son vocabulaire. Pourquoi ? Parce que, au-delà de la forme (correcte ou incorrecte) des mots, le langage oral structure la pensée. C’est aussi lui qui soutient les apprentissages scolaires et favorise l’intégration sociale auprès des pairs. Ainsi, construire des phrases, raconter une histoire ou enrichir son vocabulaire nécessitent un environnement stimulant et parfois, une prise en charge en orthophonie. Dans cet article, nous vous proposons une analyse des différents aspects du langage oral au sens large chez l’enfant. Vous découvrirez des stratégies concrètes pour dynamiser l’acquisition du récit et du lexique au quotidien, que votre enfant soit porteur de troubles spécifiques ou non, à travers des activités faciles à mettre en place.

Pourquoi stimuler le langage oral de votre enfant ?

Dès ses premiers mois, l’enfant entre dans ce qu’on appelle un « bain de langage ». Cette immersion dans les mots perçus, compris puis produits, structure peu à peu sa manière de penser et d’interagir avec le monde.

Pour la touche historique, c’est Lev Vygotski, psychologue russe et pionnier de la psychologie du développement, qui a souligné le rôle du langage dans l’intériorisation des connaissances.

« La pensée ne se réalise pas autrement que dans le mot. 

Le mot est son moyen matériel. » 

Autrement dit :  Apprendre à parler, c’est aussi apprendre à penser, à structurer sa réflexion.

Chaque mot appris est donc une nouvelle brique dans la construction de la pensée d’un enfant. Des difficultés de langage (retard de parole, troubles dys) doivent être un signal à prendre en compte, notamment pour adapter l’apprentissage du langage écrit.

Le langage oral soutient ainsi :

Jeu de langage oral

Rappel : les grandes étapes du développement du langage oral

Bien que chaque enfant évolue à son propre rythme, voici 4 jalons majeurs à connaître, en dehors d’un trouble dysphasique ou d’un TDAH. 

  1. Explosion lexicale : 18-24 mois 

Le vocabulaire s’accroît rapidement et les premières combinaisons de deux mots apparaissent, ce qui marque l’entrée dans la syntaxe

  1. Structuration des phrases : 3-4 ans 

L’ordre des mots se précise, les verbes se conjuguent, les pronoms personnels (je, tu, il/elle) sont mieux utilisés. C’est aussi l’âge des premières tentatives de récit, même si celles-ci restent centrées sur le vécu immédiat.

  1. Construction logique du discours : 5-6 ans 

Entre 5 et 6 ans, l’enfant affine sa maîtrise du langage oral. Il organise ses discours de manière plus logique, enchaîne les idées avec des connecteurs (parce que, mais) et commence à raconter des histoires avec un début, un milieu et une fin. Le questionnement devient plus complexe et plus fréquent, signe d’une pensée en pleine structuration

  1. Compréhension fine des histoires : 7-8 ans

Là, le langage devient un véritable outil de réflexion. L’enfant enrichit son vocabulaire, notamment dans le registre abstrait, c’est-à-dire les émotions, le temps… Il développe sa capacité d’argumentation et montre une compréhension plus efficace des récits, y compris ceux qui comportent des inférences.

Bien sûr, chez un enfant en difficulté, ces étapes peuvent apparaître avec un décalage ou de manière incomplète. Parfois, c’est lorsqu’un diagnostic de dyslexie est posé qu’on réalise, a posteriori, que le langage oral était problématique dès la maternelle. 

Une vigilance particulière est donc de mise, car une prise en charge précoce va permettre de soutenir efficacement ces compétences et d’orchestrer une intervention orthophonique, le cas échéant. 

Développer le vocabulaire pour s’exprimer

Un lexique riche permet à l’enfant de catégoriser le monde qui l’entoure et de nuancer ses émotions puisqu’il dispose d’une palette langagière adéquate pour reconnaître puis dénommer ces nuances. Comme l’a souligné Jean Piaget, cette conceptualisation va s’ancrer d’abord dans le concret. Ainsi, enrichir le vocabulaire revient à affiner la pensée.

Activités pour stimuler le lexique

Le mot du jour 

Chaque jour, découvrez ensemble un nouveau mot ! Il peut même s’agir d’un mot rare ou rigolo (Internet regorge de banques de mots remarquables). On le répète, on le définit, on le mime, on invente une phrase et on essaie de le replacer dans la conversation à la moindre occasion !

Tri d’images ou d’objets

Saisissez-vous de nombreuses cartes (par exemple celles d’un jeu de Memory) et proposez à l’enfant de regrouper les éléments selon leur catégorie (ou tout autre critère) pour affiner la compréhension des liens sémantiques. Autrement dit, on se demande : « Pourquoi ces cartes-là iraient bien ensemble ? ».

Lecture interactive

Dans une situation de lecture d’un livre choisi par votre enfant, posez-lui des questions sur les mots rares, reformulez en semble, inventez des synonymes, posez des questions sur sa compréhension du récit, sur les éléments implicites.

Travailler la syntaxe pour penser en phrases complètes

La syntaxe, c’est un peu la charpente du langage, à l’opposé de l’articulation. Maîtriser la construction des phrases permet à votre enfant de relier les idées, d’introduire des nuances, de construire des liens logiques… La structuration syntaxique est donc en lien direct avec la capacité à raisonner.

Activités pour développer la syntaxe

Un exercice facile consiste à partir d’une phrase simple pour la complexifier progressivement. À ce sujet, vous trouverez de nombreuses idées de phrases dans l’Ebook
« 83 exercices d’orthophonie pour la maison ».

On peut aussi mettre en place le jeu des Pourquoi : on part d’une idée et on la développe, en poursuivant les questions en cascade de Pourquoi. Enfin, citons un exercice classique, mais redoutablement efficace : la description d’images. Prenez une image trouvée dans un livre, une publicité et on la décrit chacun son tour, en donnant un maximum de détails et sans oublier un seul élément.

Stimuler langage oral

Imaginaire et langage : inventer, c’est structurer

Les neurosciences l’ont prouvé : on sait désormais que l’imaginaire est un puissant levier d’apprentissage du langage oral. Inventer, c’est une façon de stimuler la mémoire, de solliciter la flexibilité cognitive. Créer une histoire, c’est organiser des éléments de façon logique pour se faire comprendre de son interlocuteur.

Mais savoir raconter, c’est aussi maîtriser la chronologie, ce qui représente un prérequis majeur pour les futurs apprentissages en lecture et en écriture.

Activités pour stimuler l’imaginaire

  • Le sac à histoire : mettez des objets dans un sac, piochez 3 objets au hasard et inventez ensemble une aventure !
  • La BD muette : proposez une bande dessinée sans texte à compléter à l’oral.
  • Et ensuite ? : l’adulte commence une histoire et l’enfant la poursuit.
  • L’histoire en images : remettez en ordre les étapes d’une histoire illustrée, comme dans les histoires séquentielles.
  • Fin alternative : inventez une fin différente à un conte connu ou lisez ensemble une histoire et changez la fin ! 

On adore : les dés à histoires, un support ludique pour créer des histoires sur une base d’éléments choisis de façon aléatoire, grâce aux dés.

Booster le langage et la logique : des ponts vers les compétences mathématiques

Et si je vous disais que le langage ne sert pas uniquement à communiquer

Quel lien avec les mathématiques, me direz-vous ? 

Il se trouve que c’est grâce au langage oral que l’enfant va structurer aussi la pensée logique, qui est à la base des apprentissages mathématiques. En effet, accéder à la compréhension de notions comme avant/après, plus que/moins que, si/alors ou tous/sauf, implique un langage précis. Selon les travaux de Piaget, le développement du langage oral accompagne étroitement celui des opérations mentales, notamment la classification, la sériation et la conservation. Autrement dit, des compétences fondamentales en mathématiques.

À noter : La sériation est l’opération qui consiste à ordonner une série d’objets en fonction de leurs différences (taille, forme). La classification, elle, permet de regrouper des objets en fonction d’une propriété commune. Et enfin, la conservation concerne la compréhension que le nombre d’objets d’un groupe donné reste le même, qu’ils soient dispersés ou rapprochés.

Enrichir le langage, c’est donc aussi développer la capacité à comparer, à catégoriser des objets, puis des concepts. 

Ainsi, un enfant qui est capable de dire « ceci est plus grand que cela » prépare déjà les bases de sa pensée mathématique.

Activités transversales langage/logique 

Vous pouvez proposer à votre enfant de trier des objets selon plusieurs critères (taille, forme, couleur) en verbalisant les critères de tri. Vous pourriez être surpris de la façon dont certains enfants extraient des critères de tri… inédits ! 

On peut aussi ranger des figurines d’animaux du plus grand au plus petit, du plus féroce au plus gentil…. Enfin, n’hésitez pas à inventer des devinettes mathématiques, par exemple pendant les trajets en voiture : « Je pense à un nombre plus grand que 4, mais plus petit que 7 ».

À retenir

  • Apprendre à parler, c’est apprendre à raisonner.
  • Enrichir le lexique permet d’affiner la pensée et de la rendre plus nuancée.
  • Une bonne syntaxe soutient le raisonnement logique, et donc mathématique.
  • À table, dans la voiture, pendant le bain… Jouez avec les mots, racontez, écoutez !
  • Un enfant en difficulté peut progresser avec un accompagnement précoce et régulier.

Pour stimuler le langage oral de son enfant, il n’y a pas de recette magique, mais il existe un panel de gestes du quotidien : les lectures partagées, les jeux de tri, les histoires inventées. Mises bout à bout, tous ces moments créent un environnement stimulant, grâce à votre présence bienveillante de parents. Pour les enfants en difficulté de langage, la plasticité du cerveau en développement offre une formidable marge de progression. Rappelez-vous : la « perfection linguistique » est une chose qui compte, mais l’élan communicatif, l’envie de dire, est autrement plus porteur. Et n’oubliez pas : il n’est jamais « trop tôt », ni « trop tard » pour stimuler le langage oral. L’important, c’est de commencer là où en est l’enfant et d’avancer pas à pas avec lui. Et si vos inquiétudes sont trop importantes, sollicitez un bilan auprès d’une orthophoniste pour faire le point.
Besoin d’un point de départ concret ? Piochez dans une des 83 activités proposées dans notre Ebook. Testez, observez ce qui éveille l’intérêt de votre enfant… et surtout, prenez plaisir à dialoguer avec lui, car vous êtes son plus important modèle.

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