Pour la majorité d’entre nous, parler est une action qui est devenue automatique. On ne réfléchit pas aux sons que l’on utilise ni aux mouvements des muscles qu’il faut solliciter. Associer des sons, des syllabes puis des mots ne nous demande pas d’effort particulier. Pourtant, quand on y réfléchit, parler nécessite une coordination parfaite de la pensée avec les mouvements de la bouche, des lèvres, de la langue, du souffle. Quand un enfant souffre de dyspraxie verbale, c’est toute la planification et la mise en marche de ces différentes actions qui est entravée. Tout se passe comme si le cerveau ne transmettait pas les bonnes instructions aux muscles. L’enfant doit alors réfléchir et produire des efforts pour chaque action. Dans ce trouble structurel du langage oral, la parole n’est pas automatique, mais coûteuse. Et vous, avez-vous déjà entendu parler de la dyspraxie verbale ? Faisons le point ensemble sur ce trouble méconnu.
Qu’est-ce que la dyspraxie verbale ?
La dyspraxie verbale est un trouble neurologique qui affecte la capacité d’un enfant à combiner correctement les sons lorsqu’il parle. La prévalence de ce trouble est de 2 enfants sur 1000 et il serait 2 à 3 fois plus fréquent chez les garçons que chez les filles.
La dyspraxie verbale est présente dès la naissance de l’enfant. Au moment de l’apparition du langage oral, elle se caractérise par une difficulté à programmer les mouvements de la langue, des lèvres et des cordes vocales pour émettre les sons.
Autrement dit, le cerveau n’envoie pas les bonnes instructions de mouvements aux muscles, ce qui rend la parole difficile à comprendre pour les autres.
Contrairement aux autres enfants avec un développement du langage normalisé, l’enfant atteint de dyspraxie verbale ne parvient pas à améliorer sa prononciation spontanément. En grandissant, cela peut entraîner des frustrations lors des interactions sociales et une anxiété dans la prise de parole devant une classe, par exemple.
Les causes de la dyspraxie verbale
La dyspraxie verbale n’est pas liée à un problème de paralysie ou de faiblesse musculaire. Les muscles de l’enfant fonctionnent normalement. C’est un trouble structurel qui ne résulte pas non plus d’un manque de stimulation de l’enfant.
Aujourd’hui, on suppose que la dyspraxie verbale pourrait avoir une origine génétique. En effet, elle semble être plus fréquente chez les enfants dont l’un des parents est également atteint de ce trouble. Cela suggère qu’il existe une composante héréditaire.
Les signes cliniques de ce trouble structurel du langage
Il y a tout d’abord une notion « d’effort » lorsqu’on entend parler un enfant porteur d’une dyspraxie verbale. On a l’impression qu’il cherche comment articuler les sons, comme s’il n’avait pas spontanément le « mode d’emploi ».
Par ailleurs, on s’aperçoit que les déformations de mots ne sont pas fixées, elles sont versatiles, contrairement à un trouble de la parole « classique ». Ainsi, « voiture » peut être dit « oitu », puis « atu » ou « fature ».
Enfin, à cause du défaut de synchronisation des muscles de la parole, l’enfant porteur d’une dyspraxie verbale n’arrive pas à gonfler les joues, tirer la langue, éteindre une bougie en soufflant dessus ou faire un bisou. Lorsque vous l’accompagnez dans ces actions, vous vous rendez compte qu’elles lui demandent un véritable effort, non seulement musculaire, mais aussi cognitif.
En tant que parent, vous pouvez remarquer aussi :
- Un phénomène que l’on nomme « dissociation automatico-volontaire ». Autrement dit, votre enfant est peut-être incapable de répéter un mot sur demande ou d’imiter un mouvement de bouche que vous lui montrez, mais il peut le produire de façon correcte, spontanément, lorsqu’il n’y réfléchit pas. Par exemple, il ne parvient pas à répéter le mot « voiture » lorsque vous le lui demandez, mais vous l’entendez l’utiliser correctement lorsqu’il joue avec sa petite sœur.
- Un emploi inadapté de l’intonation, du volume ou des accents dans sa voix (on dit aussi la prosodie). Par exemple, il chuchote à un moment inapproprié ou élève la voix pour exprimer un détail sans réelle importance.
- Des phrases courtes, un langage très descriptif, comme si votre enfant s’en tenait au strict minimum.
- Un trop-plein de salive, qui peine à s’évacuer spontanément par la déglutition.
- Une meilleure compréhension du langage par rapport à l’expression. En deux mots, votre enfant semble mieux comprendre qu’il ne parle.
- Une tendance à s’exprimer spontanément par des gestes pour appuyer son discours.
- Une timidité excessive, un refus de parler en société, voire un repli sur soi.
Arrivé à l’âge de l’apprentissage de la lecture et de l’écriture, votre enfant risque de connaître des difficultés dans la reconnaissance et la manipulation des sons de la langue. Voilà pourquoi il sera nécessaire de mettre en place un accompagnement personnalisé aussi à l’école, pour lui permettre d’avancer dans ses acquisitions scolaires.
La prise en charge orthophonique de la dyspraxie verbale
À un stade précoce, la dyspraxie verbale peut être compliquée à objectiver, car elle ressemble volontiers à un « simple » trouble de langage oral.
Mais en réalité, quels que soient les symptômes que vous observez, si vous vous inquiétez pour le développement du langage de votre enfant, n’hésitez pas à faire pratiquer un bilan orthophonique.
L’orthophoniste va observer les capacités langagières de votre enfant et lui proposer un certain nombre de tests pour quantifier la sévérité du trouble. À l’issue du bilan, elle vous recevra pour vous en expliquer les conclusions et vous exposer les axes thérapeutiques selon lesquels elle préconise de travailler.
Le projet thérapeutique en orthophonie
Dans le cas de la dyspraxie verbale, le plan d’action est triple :
- Travailler les points de difficultés selon des objectifs précis et réalistes et un entraînement régulier du langage oral. Par exemple : produire des mots de 2 syllabes, savoir imiter tel ou tel son, travailler le souffle buccal, améliorer le contrôle volontaire des muscles buccaux, etc.
- Compenser les troubles du langage oral par des techniques gestuelles, voire signées pour augmenter la qualité de la communication. L’orthophoniste peut ainsi proposer d’associer un geste ou une image à un son pour en faciliter l’expression. Elle peut aussi proposer, selon la sévérité des troubles, d’avoir recours à des outils type PECS, Makaton ou signes de la LSF.
- Définir avec l’école ou les lieux d’accueil de l’enfant la nature des aides qui peuvent être apportées à l’enfant pour lui permettre de poursuivre ses activités de loisirs et ses apprentissages scolaires.
Bon à savoir : la dyspraxie verbale étant un trouble structurel, il est nécessaire que la prise en charge orthophonique soit à la fois intensive et régulière, pour se donner les meilleures chances de réussite. Ainsi, plusieurs séances dans la semaine, avec une reprise des exercices à la maison, seront plus bénéfiques qu’une seule longue rencontre hebdomadaire.
Vous vous demandez si votre enfant est atteint de dyspraxie verbale ? Gardez en tête que le diagnostic peut être complexe, surtout avant 3 ans. Dans ce cas, l’orthophoniste émettra une « suspicion de dyspraxie verbale » et observera de quelle manière le trouble répond à la prise en charge. Lorsqu’il persiste et montre une évolution lente, un trouble structurel peut être évoqué avec davantage de certitude.
Avant l’âge scolaire, certains signes peuvent vous mettre la puce à l’oreille :
- La grande difficulté de l’entourage, et surtout des personnes nouvelles, à comprendre votre enfant.
- Une tendance à faire des gestes pour accompagner son discours, comme une façon de compenser spontanément la mauvaise qualité de la communication.
- Vous voyez votre enfant chercher comment placer sa bouche ou sa langue lorsqu’il essaie de parler.
Si vous avez des doutes concernant le développement du langage de votre enfant, n’hésitez pas à solliciter votre médecin pour obtenir une prescription de « Bilan orthophonique et rééducation si nécessaire ». Il n’est jamais inutile de faire le point avec un professionnel du langage et de la communication.
Ressources pour vous informer sur la dyspraxie verbale
- Un site qui regorge d’informations et de ressources sur les dyspraxies en général.
- Une page de témoignages de patients (enfants et adultes) et d’accompagnants.
- Un short, clair et imagé, à propos de la dyspraxie verbale.
- Un exemple de langage dyspraxique, où l’enfant produit de courtes phrases, en cherchant à bien positionner sa bouche.
Une vidéo à tonalité scientifique (mais abordable) sur les aides pouvant être apportées aux enfants dyspraxiques.