Quand un parent s’interroge sur les difficultés d’articulation d’un enfant, il est fréquent que la position de la langue en soit la cause principale. Véritable carrefour fonctionnel de la bouche, la langue joue un rôle évident dans la prononciation des sons, mais aussi dans les fonctions vitales, comme la déglutition. Lorsque la langue ne trouve pas sa place physiologique (au repos ou lors de la déglutition), cela peut entraîner des confusions sonores, un zozotement et même influencer le développement de l’arc dentaire. Mais pas de panique ! Dans cet article, nous vous proposons des exercices de rééducation de la position de langue. Validées par une orthophoniste, vous pourrez facilement accompagner votre enfant au quotidien avec ces activités !
Une bonne position linguale à la base du langage
Saviez-vous que la langue, avec les 17 muscles qui la composent, est l’un des organes les plus puissants du corps humain ? Sa force, c’est de combiner cette puissance à une grande agilité. En effet, à chaque fois qu’on avale sa salive, la langue touche le palais 2000 fois par jour ! Sa mission dans la sphère du langage : nous permettre d’articuler avec clarté. Mais vous avez compris que sa fonction ne s’arrête pas là, puisqu’elle joue également un rôle central dans la déglutition.
Les conséquences d’une malposition linguale
Lorsqu’une langue ne trouve pas naturellement sa place optimale, les conséquences peuvent se manifester à 3 niveaux.
- Troubles de l’articulation
Une langue mal positionnée peut entraîner un sigmatisme interdental aussi appelé zozotement, où les sons « s » et « z » sont produits avec la langue entre les dents. Il existe aussi des chuintements sur les sons « ch » et « j » ou des difficultés (déformations ou substitutions) avec des sons comme le « r », le « l », le « t », ou le « d ». Ces imprécisions peuvent rendre la parole moins intelligible et parfois frustrante pour l’enfant (lorsqu’il en a conscience, ce qui n’est pas toujours le cas) comme pour son entourage.
- Conséquences sur la déglutition
Une mauvaise position de la langue est souvent liée à une déglutition atypique. Autrement dit : au lieu de se positionner vers le haut et l’arrière pour propulser les aliments, la langue pousse contre ou entre les dents au moment d’avaler. Cette pression anormale, répétée des centaines de fois par jour, peut évidemment avoir des répercussions sur l’arc dentaire.
- Impact sur le développement maxillo-facial
Cette pression constante de la langue sur les dents ou le palais peut modifier l’alignement des dents et même, le développement des mâchoires. C’est un phénomène fréquent qui peut nécessiter un suivi orthodontique, souvent mené en parallèle d’une rééducation linguale pour garantir la stabilité des résultats.
À noter : Une langue basse engendre aussi des difficultés à mettre en place une respiration nasale efficace.

Identifier les signes d’un mauvais positionnement de la langue
En tant que parent, vous êtes le premier observateur des habitudes de votre enfant. Voilà les signes qui vous aideront à savoir quand l’aide d’une orthophoniste devrait être sollicitée.
- Remarquez-vous que la langue de votre enfant dépasse entre ses dents, même lorsqu’il est au repos (bouche fermée) ou quand il parle ? C’est souvent l’un des premiers indices d’une posture linguale basse.
- Certaines prononciations peuvent aussi alerter. Si votre enfant prononce « z » au lieu de « j » (z’ai faim), « s » au lieu de « ch » (un sapeau) ou peine à articuler clairement certains sons, cela peut être lié à la position de sa langue qui ne trouve pas le bon point d’appui.
- Est-ce que votre enfant a du mal à mastiquer certains aliments plus durs ou préfère-t-il les textures molles ? Soyez-y attentif, car une langue dont la mobilité est limitée ou mal coordonnée peut rendre la mastication moins efficace. L’enfant se tourne alors spontanément vers les textures « faciles ».
Quand faut-il consulter une orthophoniste pour rééducation linguale ?
Si vous constatez plusieurs de ces signes ou si les difficultés de votre enfant vous inquiètent, la meilleure démarche est de solliciter une prescription médicale pour un bilan orthophonique. Seule une orthophoniste pourra établir un diagnostic, en identifiant l’origine des difficultés positionnelles. Après un bilan de la déglutition et des fonctions vélo tubo tympaniques, elle proposera, le cas échéant, un plan de rééducation adapté.
N’oubliez pas : une prise en charge précoce est souvent la clé d’une évolution positive de la position de langue !
Exercices d’orthophonie pour la rééducation de la position de langue
Pour que ces activités soient efficaces et amusantes, deux mots d’ordre ! Premièrement, privilégiez la régularité (quelques minutes chaque jour) et transformez-les en jeu (parce que le plaisir est le meilleur vecteur d’apprentissage).
Par ailleurs, si vous cherchez une banque d’exercices orthophoniques et de supports à télécharger, notre Ebook « 83 exercices d’orthophonie » pourrait bien vous intéresser !
1. L’aspirateur à palais pour travailler la force de la langue
Objectif : Renforcer le positionnement dorsal de la langue contre le palais et créer un vide, essentiel pour la déglutition et l’articulation de nombreux sons.
Matériel : Un miroir, une petite pastille de chocolat ou de pâte à tartiner, un morceau de biscuit apéritif.
On fait quoi ? Demandez à votre enfant de placer la petite pastille ou un peu de pâte à tartiner sur le palais, juste derrière les incisives supérieures. L’objectif est d’aspirer la langue vers le haut pour coller la pastille au palais, puis de la décoller brusquement en produisant un claquement sonore, comme le clac d’un cheval qui trotte. L’enfant doit sentir la langue aspirer et adhérer fortement au palais avant de se relâcher.
Notre conseil : Faites-le devant un miroir pour que l’enfant visualise votre mouvement de langue, puis le sien. Pour rendre le moment ludique, vous pouvez aussi lancer un concours !
2. Le pinceau magique pour affiner la pointe de la langue
Objectif : Améliorer la mobilité de la pointe de la langue (l’apex lingual) et sa capacité à s’élever précisément derrière les incisives supérieures, zone clé pour des sons comme /t/, /d/, /n/, /l/.
Matériel : Un glaçon fin ou une barre glacée (type « mister freeze »), très fine.
On fait quoi ? Demandez à votre enfant de « peindre » délicatement son palais juste derrière les incisives supérieures avec la pointe du glaçon, sans toucher les dents. Le mouvement doit être précis, du haut vers le bas, comme s’il traçait une petite ligne. La sensation de froid aide à localiser la zone et à prendre conscience du positionnement de la pointe de la langue.
Notre conseil : Si le glaçon est trop froid, utilisez une paille ou le bout d’une cuillère propre pour stimuler la zone. On peut dessiner des formes imaginaires sur le début du palais.

3. Le nettoyeur pour l’agilité et l’étirement des muscles
Objectif : Développer la souplesse et la force des muscles de la langue pour qu’elle puisse balayer toutes les zones de la bouche.
Matériel : Aucun.
On fait quoi ? Demandez à votre enfant de nettoyer ses dents avec sa langue, bouche fermée, en passant la langue sur la face externe (côté joue) de toutes les dents, d’abord en haut, puis en bas. Ensuite, proposez-lui de nettoyer l’intérieur des joues, en poussant avec la langue comme s’il essayait de faire une bosse visible de l’extérieur.
Notre conseil : On peut aussi transformer cet exercice en « essaye de compter le nombre de dents que tu touches avec ta langue ! »
4. La langue cachée pour contrôler le souffle buccal
Objectif : Différencier le son /ʃ/ du /s/ en travaillant la projection du souffle, une base essentielle pour corriger, par exemple, un schlintement.
Matériel : Une plume légère, une petite boule de coton ou un morceau de mouchoir en papier.
On fait quoi ? Demandez à votre enfant de produire le son « ch » comme pour faire « chut » (La langue ne doit pas être visible, mais arrondie et en arrière). Placez la plume devant sa bouche : le souffle doit être chaud et concentré. Ensuite, demandez-lui de faire le son « s » (Langue plate et plus en avant, souffle froid). La plume ne devrait presque pas bouger si le son est bien dirigé. Faites-lui alterner les deux sons en sentant la différence au niveau du souffle.
Notre conseil : Utilisez aussi une flamme de bougie : le « ch » doit la faire vaciller, le « s » la laisser plus stable.
5. Le jeu des sons pour affiner la discrimination auditive
Objectif : Travailler la capacité de l’enfant à distinguer les sons proches (comme /s/ et /z/, /ch/ et /j/, /t/ et /d/). Attention, ce genre d’activité n’est pas facile et ne doit pas venir en première intention !
Matériel : Deux images pour chaque paire de sons (un chat pour le son « ch » et la couleur jaune pour le « j », par exemple) ou pour les enfants plus grands, la lettre écrite.
On fait quoi ? Disposez les paires d’images devant votre enfant. Prononcez clairement un des sons et demandez à l’enfant de pointer l’image correspondante. Insistez sur la précision de votre prononciation. L’objectif n’est pas de produire le son, mais de le reconnaître auditivement.
Notre conseil : Si votre enfant réussit bien, vous pouvez utiliser des paires minimales ou introduire des mots pièges où l’enfant doit corriger si vous prononcez mal (« ça, c’est un sou » en pointant un chou). Il peut aussi être intéressant d’introduire une solution comme le casque Forbrain, pour potentialiser le travail de discrimination auditive.
FAQ sur la rééducation linguale en orthophonie
À quel âge peut-on commencer les exercices de position linguale ?
Souvent, la rééducation peut commencer dès 4 / 5 ans, parfois avant, si les difficultés sont importantes ou liées à la déglutition, et surtout si l’enfant est prêt à travailler cette sphère particulière. Une orthophoniste saura évaluer la maturité de l’enfant et adapter la prise en charge à son âge.
Mon enfant doit-il arrêter de sucer son pouce ou sa tétine pour que ça fonctionne ?
Oui, idéalement. La succion prolongée du pouce, de la tétine ou même d’un doudou peut maintenir la langue en position basse et freiner les progrès de la rééducation linguale. C’est un point que l’orthophoniste abordera avec vous.
Y a-t-il des douleurs associées aux exercices de position de langue ?
Non, la rééducation linguale ne doit pas être douloureuse. Les exercices doivent être doux et progressifs. Si votre enfant ressent une gêne, c’est important d’en parler à l’orthophoniste qui le suit pour ajuster les activités et chercher une potentielle cause fonctionnelle.
La rééducation linguale peut-elle aider les problèmes d’orthodontie ?
Une mauvaise position de la langue cause fréquemment des problèmes orthodontiques (dents qui avancent, béance dentaire). La rééducation linguale permet de corriger la fonction en amont ou de stabiliser les résultats d’un traitement orthodontique, en agissant sur la racine du problème. C’est pourquoi orthophonistes et orthodontistes travaillent souvent en synergie !