Un cheveu sur la langue, on trouve souvent cela charmant chez un tout-petit. Mais, quand l’enfant grandit, cela peut devenir une source de moqueries et générer des problèmes de confiance en soi. Un zozotement peut se résorber spontanément, mais il peut aussi perdurer et occasionner des difficultés dans la mise en place du langage écrit, par exemple. Souvent, le zozotement cohabite avec une respiration buccale, une béance dentaire ou encore des troubles ORL. Il convient donc de s’y intéresser et de consulter, le cas échéant, une orthophoniste qui saura vous aiguiller vers le plan de rééducation adéquat, selon l’âge de l’enfant et sa motivation. Faisons le point sur ce trouble d’articulation et sur le rôle des parents face à un enfant qui zozote.

À quoi ressemble un zozotement ?

Avant tout, faisons un point « vocabulaire » au sujet de ce trouble affectant la prononciation. Souvent, on associe le zozotement au zézaiement, voire au schlintement. Or, il s’agit de troubles d’articulation différents : 

  • Un enfant zozote lorsque le mouvement de la langue va trop loin en avant, lors de l’articulation. La langue passe entre les incisives, sur la prononciation des sons « SSS » et « ZZZ », comme dans cette célèbre publicité
  • On parle de zézaiement lorsque les sons « CH » et « JJJ » sont remplacés respectivement par « SSS » et « ZZZ ». Cela donne par exemple : « Ze veux Zouer avec le Sien et le Sa ».
  • Le schlintement, aussi appelé sigmatisme latéral s’entend particulièrement sur les sons « CH » et « JJJ », avec un flux d’air qui est envoyé sur les côtés, au niveau des joues.

Le zozotement est un sigmatisme interdental. Concrètement, il peut être associé à d’autres troubles de l’articulation ou exister de façon isolée. En fait, la langue est poussée exagérément vers l’avant, dépassant la barrière des dents. Il peut s’agir d’un trouble d’articulation pur, sans trouble de parole ni retard de langage. Autrement dit, un enfant peut montrer un niveau de langage « normal », mais une prononciation altérée.

Fille avec une dent en moins qui souffre de zozotement.

Les causes d’un cheveu sur la langue

Le zozotement est donc un trouble de l’articulation qui apparaît traditionnellement dès l’acquisition du langage et qui peut perdurer à l’âge adulte. 

Il existe plusieurs explications à l’existence d’un cheveu sur la langue.

  • La succion longue d’un pouce ou d’une tétine qui cause une béance, un espace dans l’alignement des dents. 
  • Une respiration buccale qui entretient une position basse de la langue.
  • Une dysfonction au niveau des mâchoires.
  • Une langue trop grosse et pas assez tonique.
  • Une déformation du palais, poussé par la succion du pouce, qui prend une forme « en ogive », en creux.
  • Une déglutition atypique, aussi appelée primaire, qui persiste après 6 ans. Cette déglutition est celle mise en place par le nourrisson lors de la succion, dans laquelle la langue pousse vers l’avant à chaque fois que l’enfant avale sa salive.

Dans la plupart des cas, on retrouve une association de ces troubles, qui s’entretiennent les uns les autres. Une déglutition primaire entretient la position de langue basse, qui favorise la béance, qui laisse passer la langue lors de l’articulation, etc. 

Quoi qu’il en soit, la langue st un organe extrêmement puissant, réunissant 17 muscles. Si elle n’a pas un fonctionnement optimal, elle exerce des pressions, notamment lors de la déglutition, qui peuvent amener à des déformations des structures de la bouche (palais, mâchoires, dents). 

Il va donc falloir l’étirer, la muscler et lui faire prendre de nouvelles habitudes pour se débarrasser du sigmatisme ! 

Attention : Il ne faut pas sous-estimer le facteur psychologique dans un zozotement. Si le trouble de l’articulation est d’origine fonctionnelle, l’enfant en tire cependant parfois un bénéfice secondaire. Celui d’être « le petit », qui parle « comme un bébé »… Pour se défaire d’un cheveu sur la langue, il faut aussi accepter de grandir.

Un sigmatisme n’est pas anodin

Lorsqu’un enfant est petit, le zozotement est fréquemment perçu comme attendrissant. Pourtant, en grandissant, l’enfant qui zozote peut être la cible de moqueries et développer un véritable complexe quant à son trouble d’articulation. Cela peut provoquer une gêne à s’exprimer librement et de la frustration.

En outre, la confusion des sons dans l’articulation peut aussi se répercuter sur la façon de les identifier dans la mise en place de la lecture. Mal prononcer un son, c’est aussi souvent mal le reconnaître, et donc en faire une mauvaise transcription. C’est pourquoi il faut surveiller l’évolution du zozotement, particulièrement avant l’entrée au CP et ne pas hésiter à aller faire le point en bilan orthophonique.

Les professionnels à consulter pour un zozotement

L’orthophoniste est la professionnelle à consulter en priorité. Vous devrez vous présenter au rendez-vous muni d’une prescription médicale de « Bilan orthophonique et rééducation si nécessaire » rédigée par votre médecin ou pédiatre.

Avant le CP

Dans la petite enfance, avant l’âge de 6 ans, il peut être intéressant de consulter, surtout si l’enfant se montre gêné par son cheveu sur la langue. S’il est assez mûr pour une rééducation, l’orthophoniste pourra proposer un accompagnement en séance individuelle ou via une guidance parentale. À cet âge, on peut parfois observer une disparition du zozotement en quelques séances. L’idéal est que tout soit rentré dans l’ordre avant la découverte du langage écrit.

Après l’entrée au CP

C’est le moment d’intervenir si le trouble n’est pas rentré dans l’ordre spontanément. L’enfant est plus coopérant pour les exercices à reprendre à la maison. En outre, l’orthophoniste pourra aussi s’appuyer sur l’entrée dans le langage écrit pour l’aider à différencier les sons et donc à corriger son trouble de prononciation. 

Parfois, une consultation en orthophonie pour un trouble d’articulation peut donner lieu à une investigation plus large. Ainsi, selon la nature du sigmatisme, l’orthophoniste pourra être amenée à vous conseiller un bilan ORL ou orthodontique. 

Lors des séances, l’orthophoniste va : 

  • Aider l’enfant à prendre conscience de sa sphère buccale (muscles de la langue, voile du palais, joues, articulé dentaire, lèvres).
  • Proposer des exercices praxiques, permettant aux mouvements de langue de gagner en précision et en tonicité.
  • Relier le travail d’articulation à une activité phonologique (reconnaissance et manipulation des sons), selon l’âge de l’enfant.
  • S’assurer que la déglutition est fonctionnelle.
  • Accompagner l’enfant vers un arrêt des habitudes de succion (sucette, biberon, doudou, doigt).
Fille qui regarde la bouche de sa mère avec une loupe

Astuces pour aider un enfant qui zozote

Pour optimiser les séances d’orthophonie, vous pouvez mettre en place un certain nombre d’actions qui vont aider votre enfant à se défaire de son zozotement. Parfois, l’orthophoniste elle-même vous donnera des « devoirs » à faire à la maison, avec votre enfant, entre deux séances de rééducation.

L’objectif : tonifier la sphère buccale et attirer l’attention de l’enfant sur une articulation correcte.

  1. Stop aux mauvais réflexes 

Avant tout, accompagnez votre enfant dans l’arrêt des attitudes qui entretiennent le cheveu sur la langue. Il est temps, doucement mais sûrement, d’aller vers l’arrêt de la sucette ou du biberon. N’hésitez pas à prendre appui sur des livres pour introduire l’idée, à bien expliquer ce qui va se passer et à fixer des nouvelles règles (un seul biberon par jour, la tétine seulement dans le lit, etc.).

Chaque enfant est différent. L’arrêt de la succion doit se faire à son rythme, mais l’essentiel est d’impulser du changement. 

  1. Mobiliser la bouche autrement

Lorsque la sphère buccale est hypotonique, les messages sensoriels sont souvent grossiers, comme si toute cette région n’était qu’un bloc. Ainsi, vous pouvez instaurer quelques minutes d’exercices tous les soirs au moment du brossage de dents, en reprenant les cartes de ce jeu amusant.

Il est possible d’aller stimuler les muscles et les récepteurs en : 

  • Favorisant les grimaces, les bruits de bouche, les exercices de souffle (bulles, bougie, Blopens, balles flottantes).
  • Proposant des textures et des goûts qui vont stimuler la langue (eau pétillante, menthe, sucre pétillant).

Bonne idée : une lichette de pâte à tartiner sur la lèvre supérieure va inciter votre enfant à mobiliser sa langue vers le haut pour aller y goûter. Un exercice très apprécié ! 

  1. Corriger sans contraindre

Nous vous déconseillons de demander à votre enfant de répéter les mots qu’il ne prononce pas (encore) correctement. Chez un tout-petit, surtout, cela peut avoir l’effet inverse de fixer le trouble, avec le bénéfice secondaire d’attirer votre attention.

Chez un enfant plus grand, l’envie de bien faire peut l’amener à crisper sa mâchoire, à mettre trop de pression dans ses mouvements et, au final, à majorer le zozotement ! 

Contentez-vous de répéter sa production correctement, en lui montrant la configuration de votre bouche au moment où vous prononcez le mot. Puis, passez à autre chose. 

Si votre enfant se montre intéressé, placez-vous avec lui devant un miroir et montrez-lui que vous prononcez le « SSS » sans que la langue passe entre les dents. Il voudra sûrement essayer à son tour, et on peut instaurer ce petit rituel tous les jours, avec de la bonne humeur et des récompenses positives (petit jeu par exemple) lorsque la prononciation est correcte !
En soi, un zozotement n’est pas inquiétant, mais il faut bien observer la globalité du trouble d’articulation et ses effets sur l’équilibre musculaire de la bouche. C’est un trouble qui évolue souvent bien avec une prise en charge orthophonique régulière et une reprise des exercices à la maison. C’est là que vous avez un rôle crucial à jouer, en tant que parent. En instaurant un véritable travail d’équipe avec l’orthophoniste, fini cet embêtant cheveu sur la langue !