Quand on évoque les troubles du langage écrit, on pense en premier lieu à la dyslexie qui affecte le traitement de la lecture. Mais, dans la grande famille des Dys, il existe une pathologie du langage écrit qui touche spécifiquement à l’orthographe : la dysorthographie. C’est un trouble qui touche l’apprentissage et la maîtrise de la transcription, dans ses différentes dimensions : la correspondance entre les sons et les lettres (graphème/phonème), la mémorisation des mots, les règles grammaticales… Ce trouble de l’apprentissage coexiste souvent avec une dyslexie, mais peut aussi s’observer de façon isolée. Voici ce que vous devez savoir sur ce trouble de l’orthographe, pour comprendre et aider les enfants qui en sont porteurs. 

Les causes de la dysorthographie 

Comme les autres pathologies Dys, la dysorthographie est un trouble neuro-développemental. Cela signifie qu’elle relève d’un fonctionnement cérébral particulier, en dehors d’une déficience intellectuelle ou d’un trouble psychiatrique, par exemple. 

Les travaux en neuropsychologie ont ainsi souligné l’existence de réseaux cérébraux modifiés, en ce qui concerne l’acquisition et la maîtrise du langage écrit, sur le versant de la transcription orthographique. 

On parle fréquemment de dyslexie/dysorthographie de façon associée en tant que « trouble spécifique du langage écrit ». Dans ce cas, on peut supposer que les difficultés de lecture viennent entraver le décodage et la mémorisation des mots.

Les symptômes de ce trouble spécifique du langage écrit

Vous l’avez compris, la dysorthographie concerne l’écriture des mots, pas au niveau de leur forme graphique (dysgraphie), mais de leur transcription. 

Chez les enfants porteurs d’une dysorthographie, certains signes peuvent mettre la puce à l’oreille et faire soupçonner un trouble du langage écrit : 

  • Une lenteur et une maladresse dans le geste graphique (d’où l’intérêt, parfois, de rechercher les symptômes d’une dysgraphie associée).
  • Des difficultés de repérage spatio-temporel.
  • Des difficultés à mémoriser les lettres, les mots.
  • Des capacités de langage oral et de raisonnement verbal en décalage dès que l’enfant passe à l’écrit. 
  • Et évidemment, une proportion élevée de fautes d’orthographe, que nous allons détailler ensemble. 

Attention : Parce que chaque enfant apprend et évolue à son rythme, les capacités orthographiques peuvent mettre du temps à se développer, sans pour autant évoquer un trouble Dys. Un bilan orthophonique permettra de faire la part des choses entre un trouble installé et un simple retard de développement.

Enfant souffrant de dysorthographie

Les différentes fautes d’orthographe

L’orthographe française s’articule sur différents niveaux. Schématiquement : les sons, les mots, la grammaire. Pour maîtriser l’orthographe, il faut acquérir et maîtriser ces différentes strates conjointement. 

Chez un enfant porteur de dysorthographie, on peut ainsi observer différents troubles.

La transcription graphème/phonème

Le trouble orthographique peut se situer au niveau de la transformation d’un son en lettre. En deux mots, l’enfant ne parvient pas à retranscrire correctement à l’écrit ce qu’il entend, en l’absence de trouble auditif. 

À l’écrit, cela se traduit par des confusions de sons proches (ch/j, p/b), des déplacements de lettres ou des inversions de syllabes. L’enfant écrit « un chouet » au lieu d’un « jouet », un «hicopanque» au lieu d’un « hippocampe », par exemple. 

Le contrôle sémantique

Lorsque le contrôle sémantique est atteint, on va noter des difficultés particulières du côté des homophones (les mots qui s’entendent de la même façon, mais possèdent une orthographe et un sens différents) : « ver » et « vert », « haut » et « eau ».

L’enfant va aussi produire des découpages de mots incongrus, où l’on se rend compte que le mot en tant qu’unité propre n’est pas intégré : « un narbre », « le l’apin», « le lent demain ».

La morphosyntaxe

Derrière ce nom compliqué se cachent les règles de grammaire. C’est une dimension de l’orthographe qui est très fréquemment altérée chez un enfant dysorthographique. En effet, il dépense une grande énergie cognitive dans la transcription son/lettre, il s’applique à écrire correctement ce qu’il entend. 

Résultat : il n’a plus assez de ressources attentionnelles pour appliquer les règles de grammaire, en bout de chaîne. 

  • Les accords du pluriel sont oubliés ou posés aléatoirement, pour les noms ou les verbes : « les voiture », « elles mange » ou « elles manges ».
  • La conjugaison est altérée : « elle prené » ou « vous avai ».

Le lexique orthographique

Le lexique orthographique, c’est comme un répertoire mental de la forme des mots. Chez un enfant dysorthographique, on observe donc une difficulté à mémoriser l’image des mots, de façon globale. Et ce, même pour des mots familiers. 

Tout se passe comme si l’enfant devait de ce fait réfléchir à la forme et entrer à l’intérieur de chaque mot, il n’y a pas de reconnaissance « globale ». 

Par exemple, lorsqu’un enfant sans pathologie du langage écrit a rencontré suffisamment de fois le mot « classeur » ou « baptême » (pour les mots irréguliers), il le met en mémoire et n’a pas besoin de procéder à son décodage pour l’écrire. Il a enregistré sa forme globale, son « étiquette » et la mobilise de façon automatique. 
Ce sont ces étiquettes qui sont altérées chez l’enfant dysorthographique. Les mots ne s’inscrivent pas automatiquement dans son répertoire interne, ni pour toujours, ni de manière stable.

Lettres et dysorthographie

Diagnostiquer un trouble de l’orthographe

L’orthophoniste est la ou le professionnel compétent pour poser un diagnostic de dysorthographie. Il s’agit également de faire la part des choses entre un trouble durable et un simple retard d’acquisition de l’orthographe.  

Si vous-même ou l’enseignant constatez que les difficultés persistent malgré le temps qui passe et les efforts de votre enfant. Si ce dernier s’épuise et que son moral ou ses autres activités scolaires en pâtissent : n’hésitez pas à consulter. 

Après un moment d’échange, l’orthophoniste va proposer un bilan de langage écrit pour tester les différentes strates de l’orthographe (phonologie/morphosyntaxe/lexique). Elle/il va aussi investiguer le domaine visuo-attentionnel, la compréhension et la lecture pour mettre en évidence ou écarter la présence d’un trouble associé (dyslexie/dysgraphie).

Votre orthophoniste peut également vous conseiller de procéder à d’autres investigations pour poser le diagnostic : 

  • Un audiogramme pour écarter un trouble auditif qui empêcherait le traitement des sons.
  • Un bilan orthoptique pour tester la qualité des saccades oculaires, de la poursuite et de l’empan. 
  • Une consultation avec une neuropsychologue qui va tester en profondeur les capacités attentionnelles. 
  • Un bilan avec une ergothérapeute pour mettre en place un ordinateur à l’école, le cas échéant.

Lorsque la dysorthographie est mise en évidence, une prise en charge orthophonique sera proposée à votre enfant. L’objectif : aider l’enfant à compenser ses difficultés et à développer des stratégies efficaces pour accéder à un écrit fonctionnel.

Comment aider un enfant dysorthographique ?

À l’école

Lorsque le trouble de l’orthographe est handicapant dans le quotidien de votre enfant, des aménagements scolaires pourront/devront être mis en place, en collaboration avec l’enseignant, dans le cadre d’un PPS ( Projet personnalisé de scolarisation) ou d’un PAP (Projet d’accompagnement personnalisé).

Selon les compétences et les besoins de votre enfant, l’école pourra aménager son emploi du temps et la nature des activités proposées : 

  • Utiliser des pense-bêtes laissés à la disposition de l’enfant, sur les points difficiles pour lui (confusion de sons, accords du pluriel).
  • Favoriser la mémorisation des mots par le jeu (mémory).
  • Privilégier les exercices à trous pour soulager la charge mentale de l’enfant.
  • Ne pas noter l’orthographe, ou ne noter que les mots correctement écrits.
  • Octroyer plus de temps à l’enfant pour les exercices et pour la relecture.
  • Diminuer le nombre de mots à apprendre par cœur en préparation des dictées.
  • Essayer de s’attacher au fond plutôt qu’à la forme lorsqu’un élève rend son devoir écrit. 

À la maison

  • Veiller à la stabilité émotionnelle de votre enfant, en lui proposant éventuellement un soutien auprès d’une psychologue. En effet, on observe souvent une confiance en soi mise à mal chez les enfants dysorthographiques. 
  • Lors de la préparation des dictées, aidez votre enfant à mémoriser en dessinant les mots, avec plein de couleurs, sur des supports différents, en chantant, en épelant à l’envers, en fermant les yeux. Les enfants dysorthographiques tirent souvent beaucoup de bénéfice à varier les modalités de mémorisation.
  • Proposez à votre enfant des sessions de lecture à voix haute, en alternant entre vous et lui. La lecture à voix haute est un excellent exercice pour travailler la correspondance son/lettre, les liens grammaticaux et même la mémorisation. 
  • Encouragez tous les progrès, même minimes ! On ne s’en rend pas bien compte, mais la gestion de l’écrit est partout pour un enfant scolarisé et cela lui demande beaucoup d’effort. 

La dysorthographie est un trouble durable. Votre enfant va devoir mettre en place des moyens de compensation et de mémorisation qui lui seront propres, pour lui permettre de poursuivre ses acquisitions scolaires sereinement. 

Vous avez un rôle à jouer pour l’aider à dédramatiser les mauvaises notes, cultiver sa confiance en lui et ses compétences annexes. 

Boîte à outils : 

Le site de l’Anapedys, si vous cherchez des ressources en termes d’aménagements spécifiques pour l’école ou de reconnaissance de handicap scolaire.