Le bégaiement est un trouble bien connu et pourtant porteur de nombreux préjugés. Quand un enfant se met à bégayer, les parents paniquent, ne savent pas forcément quand consulter un professionnel de santé, ni quels conseils appliquer. Les accidents de parole sont parfois impressionnants dans ce trouble de la fluence et il est important d’intervenir avant que des réflexes délétères s’installent chez votre enfant. La bonne nouvelle, c’est que 8 enfants sur 10 peuvent récupérer un débit de parole fonctionnel, si leur environnement est favorable. Si vous avez un enfant qui bégaie et que vous ne savez pas comment l’aider, voici 7 choses à savoir pour être un bon partenaire de communication !
1. On ne connaît pas les causes du bégaiement
Si votre enfant se met à bégayer, vous vous sentez sûrement inquiet, voire coupable. En tant que parent, qu’ai-je « mal fait » ? L’ai-je trop stimulé dans le développement de son langage ou pas assez ? C’est normal de vous poser ces questions, mais la réalité est plus nuancée.
Sachez avant tout que l’on ne connaît pas précisément les causes du bégaiement. Ce que l’on sait, c’est que l’apparition de ce trouble du débit de parole est multifactorielle. La recherche a mis en évidence une composante génétique, un fonctionnement cérébral particulier (entre le message du cerveau et les « outils » de la bouche), mais aussi des éléments intrinsèques à l’enfant.
Voici une autre information que les parents n’ont pas forcément : entre 2 et 5 ans, beaucoup d’enfants connaissent un épisode de bégaiement, dans le cadre d’un développement normal du langage oral. On remarque alors des répétitions de mots ou de syllabes, des blocages, des sons prolongés, une impression d’effort. C’est un pseudo bégaiement qui disparaît spontanément vers l’âge de 5 ou 6 ans.
La difficulté, c’est donc de repérer et d’accompagner ces difficultés pour éviter qu’elles ne s’ancrent dans la communication de votre enfant, et de ne pas se contenter d’attendre. Si l’entourage reçoit les bons conseils, cela peut éviter bien des souffrances (anxiété, refus de parler) et le risque qu’un « vrai » bégaiement ne se cristallise.
2. Le bégaiement est différent du bredouillement
Concrètement, les symptômes d’un bégaiement peuvent être :
- Des blocages, des arrêts de la parole.
- Un souffle coupé, des inspirations exagérées.
- Des répétitions de sons, de syllabes, de mots, voire de phrases (« un babababateau », « la voiture est, la voiture est, est est est partie »).
- Des tensions musculaires se diffusant dans tous les corps.
- Des fuites du regard, une perte du contact oculaire.
- Des prolongations de sons (« un aaaaavion »).
Un enfant qui bégaie est le plus souvent très conscient de ses difficultés, qu’il ne maîtrise pas, sur lesquelles il ne peut pas agir. Il en ressent souvent de l’inquiétude ou même de la tristesse.
Dans la famille des troubles de la fluence, le bredouillement est une difficulté un peu différente. Dans ce cas, vous êtes face à un enfant qui parle trop vite, survole des mots, « mange des syllabes », ce qui rend finalement son message peu compréhensible. En outre, un enfant qui bredouille n’a pas forcément conscience de son trouble et peut s’agacer de l’incompréhension de ses partenaires de communication.
3. La prise en charge orthophonique du bégaiement est bénéfique
Lorsque le bégaiement ne disparaît pas de lui-même, s’il gagne en intensité et génère un complexe chez l’enfant, vous devez prendre rendez-vous chez l’orthophoniste. À l’issue d’un bilan, elle saura vous aiguiller sur la sévérité du trouble et la conduite à tenir. Généralement, l’enfant qui bégaie se montre très soulagé lorsqu’on lui annonce qu’il va rencontrer une spécialiste de la parole.
Entre 3 et 5 ans, on conseille habituellement un bilan orthophonique dès lors que le bégaiement est présent depuis plus de 6 mois avec la même intensité (vous constatez de moins en moins de périodes sans bégaiement).
Autour de 5 ans, il vaut mieux consulter d’emblée, car les possibilités de disparition spontanée se réduisent drastiquement. Au-delà de cet âge, la prise en charge orthophonique sera bénéfique, mais la normalisation de la parole prendra plus de temps.
Vous vous demandez ce que l’orthophoniste va proposer à votre enfant ?
Selon l’âge et la sévérité des symptômes, il existe différentes méthodes pour prendre en charge un bégaiement, qui sont le plus souvent combinées.
- L’accompagnement indirect se fait avec les parents, pour mettre en place un environnement bénéfique pour la communication avec leur enfant et éviter de majorer le bégaiement : conseils, exercices, jeux…
- L’accompagnement direct va agir précisément sur le trouble de la fluence (vous entendrez parler du programme Lidcombe, par exemple). L’idée est de faire du parent un partenaire de la rééducation au quotidien, à la maison.
- La modalité de groupe est souvent proposée aux adolescents, avec de bons résultats.
Dans la prise en charge du bégaiement, le parent et les partenaires de communication en général sont des piliers du traitement orthophonique. Il s’agit d’un vrai travail d’équipe.
4. Les conseils sont contre-productifs
Face à votre enfant qui bégaie, vous pouvez avoir envie de lui donner des conseils, de lui indiquer comment faire, de le pousser à agir autrement au moment de ses blocages. Pourtant, même si cela part d’une bonne intention, ces conseils sont souvent contre-productifs.
Avez-vous déjà dit à votre enfant : « Fais doucement », « Calme-toi », « Respire », « Arrête, je n’ai rien compris », « Répète », « Souffle un coup », « Détends-toi » ? Même si vous pensez agir positivement, ces conseils ne peuvent pas vraiment aider un enfant avec des problèmes de fluence.
D’abord, inciter votre enfant à penser à autre chose qu’à ce qu’il veut dire ne l’aide pas. Respirer, parler doucement, souffler sont des actions automatiques. Y penser ajoute une charge et peut installer des réflexes délétères (inspirations forcées, apnées, essoufflement) au moment de la phonation. Il vaut mieux trouver des techniques pour l’aider à se détendre autrement que par des ordres (toucher son bras, l’inviter à s’asseoir, favoriser le contact oculaire).
Enfin, recevoir systématiquement les mêmes conseils (parfois sur un ton agacé) risque de vexer votre enfant, bien conscient de ses difficultés d’élocution, et de couper ses tentatives d’expression orale.
Notre conseil : N’hésitez pas à parler librement avec votre enfant de son bégaiement, cela ne doit pas être un sujet tabou.
5. Demander à l’enfant de répéter n’est pas pertinent
Demander à un enfant qui bégaie de répéter peut accroître son stress. Or, le bégaiement est un trouble de la parole aggravé par l’anxiété et la tension. Par ailleurs, cela attire son attention sur son bégaiement, causant de la gêne ou de la frustration. L’enfant peut alors développer une aversion à parler en public ou à s’exprimer librement, ce qui peut affecter sa confiance en lui et ses interactions sociales.
Vous le comprenez, demander à votre enfant de répéter peut accentuer ses difficultés et rendre la conversation encore plus laborieuse.
Quelle attitude adopter en tant que partenaire de communication ?
La clé d’une bonne communication, c’est de conserver une approche positive en encourageant votre enfant à s’exprimer librement, sans pression. En vous rendant disponible et en montrant de l’intérêt pour ce qu’il dit, vous lui offrez un environnement de communication favorable et stimulant. Cela contribue à améliorer sa confiance en lui et à réduire son bégaiement, sur le long terme.
6. Favoriser du temps de communication de qualité
On le sait, la vie de parent est intense. Dans ce contexte, il n’est parfois pas facile de trouver l’énergie nécessaire pour « travailler » sur le bégaiement de votre enfant au quotidien.
Notre conseil : Plutôt que de courir après le temps, balisez par exemple chaque soir, à la même heure, un laps de temps d’une vingtaine de minutes.
Lors de ce moment paisible et exclusif, mettez en place des interactions de qualité :
- Lisez un livre d’une voix lente et claire, parlez des images que vous voyez.
- Jouez à un jeu ensemble, en respectant bien le tour de rôle, en reformulant les commentaires de votre enfant.
- Félicitez-le pour son comportement calme, autonome.
- Posez-lui des questions fermées (auxquelles on peut répondre par oui ou non) s’il se met à bégayer pour comprendre ce qu’il veut vous dire ou fournissez-lui le mot qui semble bloquer.
L’idée de ce moment de qualité, c’est qu’il profite de VOTRE modèle de parole, qu’il expérimente des échanges paisibles et que cela lui donne confiance en ses capacités.
7. Des jeux pour soutenir votre enfant qui bégaie
Si vous cherchez un support pour passer du temps de qualité avec votre enfant, vous pouvez miser sur les jeux. Le principe est de sélectionner des jeux dans lesquels vous allez donner un modèle de langage à votre enfant, une parole lente, claire et douce.
Nous vous conseillons en premier lieu des jeux où le langage oral est présent en petite proportion, comme des jeux de loto ou des jeux de sept familles. Pour augmenter la difficulté et le niveau de langage utilisé, tournez-vous vers le Vocabulon ou l’incontournable Train des phrases. Enfin, pour continuer d’enrichir les modèles de phrases, le Casse-Phrase et la boîte Histoire à raconter sont des valeurs sûres !
Bonus : Vous trouverez ici un jeu à télécharger gratuitement, pensé comme un « Kit pour accompagner le bégaiement ».
Vous connaissez maintenant les 7 choses à savoir sur le bégaiement, pour éloigner les idées reçues et accompagner votre enfant vers une parole fonctionnelle. N’hésitez pas à consulter un professionnel de santé formé au bégaiement, si vous vous inquiétez pour votre enfant. Vous serez entendu et guidé sur les réflexes à éviter et les situations de communication à mettre en place pour un environnement positif. En attendant le rendez-vous chez l’orthophoniste, vous pouvez mettre en application les conseils que nous venons de voir ensemble. Vous êtes le meilleur partenaire de communication pour votre enfant !
Sources et Ressources :
- Le site de l’Association Parole Bégaiement est un incontournable. Vous y trouverez informations, contacts, événements et de nombreux documents téléchargeables pour l’école ou les professionnels de la petite enfance, par exemple.
- Une vidéo touchante sur la façon dont les enfants peuvent expliquer le bégaiement à leur classe, pour éviter les moqueries.
Le blog Goodbye Bégaiement de Laurent Lagarde regorge d’articles intéressants et de témoignages : « Un peu d’aide et d’optimisme pour les adultes et enfants qui bégayent… et tous ceux qui s’intéressent au bégaiement ! »