Votre enfant a des difficultés d’élocution ? Il parle vite, télescope des mots et il est parfois difficilement compréhensible… Pour autant, il n’a pas de trouble du langage et cela ne vous évoque pas non plus un bégaiement classique. Alors, que se passe-t-il ? Votre enfant est peut-être porteur d’un bredouillement. Moins connu que le bégaiement, le bredouillement est un trouble de la fluence tout aussi handicapant qu’il convient de prendre en charge ou, tout du moins, d’observer l’évolution. S’il peut disparaître spontanément, le bredouillement peut aussi s’installer, menaçant l’expression orale et la confiance de votre enfant. Alors, qu’est-ce que le bredouillement et comment réagir face à un enfant qui bredouille ? On fait le point !
Définition du bredouillement
Tout comme le bégaiement, le bredouillement est ce que l’on appelle un « trouble de la fluence », c’est-à-dire une perturbation de l’écoulement naturel de la parole. Il affecte en premier lieu le débit, perçu comme anormalement rapide, à cause d’un dysfonctionnement dans la motricité de la sphère orale. Par ailleurs, l’incidence du bredouillement dans la population générale est plus importante que celle du bégaiement.
À l’oreille, le bredouillement donne l’impression d’une parole qui fuse dans tous les sens, au détriment de l’intelligibilité. Parfois, c’est même la parole et la pensée qui ne semblent plus synchronisées, l’une allant plus vite que l’autre. Le discours peut alors devenir difficile à suivre pour l’interlocuteur, entre vitesse excessive, imprécision de l’articulation et cohérence du récit chahutée.
On évoque souvent une comparaison parlante pour donner à comprendre ce qu’est le bredouillement. Quand une personne avec un débit normal s’exprime, elle va produire environ 5 syllabes à la seconde. Une personne porteuse d’un bredouillement peut aller jusqu’à 12 syllabes/seconde !
Est-ce que mon enfant souffre de bredouillement ?
Le symptôme principal du bredouillement, c’est le débit accéléré que nous avons évoqué, mais ce n’est pas suffisant pour poser un diagnostic de trouble de la fluence. On observe aussi :
- La présence de mots amputés de syllabes, par exemple « machinaver » au lieu de « machine à laver » comme si l’enfant survolait les mots.
- Une amélioration de l’intelligibilité lorsque le débit ralentit.
- L’oubli de petits mots, comme les articles.
- Des pauses respiratoires à des endroits inhabituels, pas forcément en fin de phrases.
- Des répétitions de parties de phrases ou de mots, comme pour prendre de l’élan et synchroniser la bouche et les pensées.
- Des difficultés en lecture et en écriture. Ce n’est pas systématique, mais souvent l’impulsivité et la vitesse d’exécution touche aussi ces sphères.
Il est important de signaler que fréquemment, l’enfant qui bredouille n’a pas vraiment conscience de la difficulté pour autrui de le comprendre. C’est ce que l’on nomme « la perturbation de l’auto écoute ». S’entendre est alors difficile pour l’enfant qui ne se rend pas compte de sa fluence troublée et peut mal prendre les remarques de son entourage.
Par ailleurs, le bredouillement provoque fréquemment l’agacement chez l’interlocuteur, qui ne se sent pas pris en compte par cette parole qui file comme l’éclair. A contrario, l’interlocuteur d’une personne qui bégaie sera davantage amenée à vouloir l’aider, même si c’est en vain.
Bégaiement ou bredouillement ?
Le bégaiement est le trouble de la fluence le plus connu. Il est assez reconnaissable à l’oreille, puisque l’enfant va présenter des blocages, des répétitions de syllabes ou de sons. De plus, les personnes qui bégaient sont très conscientes de leur trouble, là où l’enfant bredouilleur ne perçoit pas forcément la gêne de son audience.
Il faut savoir que le bredouillement et le bégaiement sont des troubles de la fluence qui peuvent coexister, mais leurs manifestations sont néanmoins différentes.
La prise en charge orthophonique des troubles de la fluence
Si vous suspectez un bredouillement chez votre enfant, le professionnel compétent est l’orthophoniste, que vous irez consulter sur prescription de votre médecin.
Elle procèdera à un bilan, pour poser un diagnostic sur le trouble de fluence dont souffre votre enfant. Sachez qu’il peut y avoir des troubles des apprentissages ou du langage oral associés, mais le bredouillement peut aussi exister de façon isolée.
Les axes thérapeutiques seront ensuite :
- Le développement de l’auto écoute.
- Le travail du regard, des pauses et des intonations.
- Une meilleure organisation de la pensée.
Pour cela, l’orthophoniste utilise différentes techniques, par exemple :
- Le tapping ou la scansion des syllabes, sur les doigts ou en tapotant une partie du corps.
- La sur articulation, travail d’une articulation « exagérée » pour stabiliser le schéma moteur.
- La projection de la voix alliant technique vocale et confiance en soi. .
- Le self modeling, par l’étude du bon comportement de communication à adopter (posture, prosodie, regard).
- L’entraînement au récit oral, avec prise en compte de l’interlocuteur.
À l’image du bégaiement, les prises en charge du bredouillement ont plus de chance de succès avant l’âge de 6 ans. Après 6 ans, les résultats peuvent être très bons, mais seront plus étalés dans le temps.
Comment réagir face à un enfant qui bredouille ?
Parce que le bredouillement est un trouble de la fluence intimement lié à certaines situations de communication, vous pouvez agir en commençant par éviter les comportements délétères. En effet, un enfant qui bredouille est encombré par le message oral, il a besoin de votre aide, sans le couper de la situation de communication. Sans le réprimander, ni l’obliger à reformuler.
- Ne pas demander à votre enfant de répéter
C’est une habitude contre-productive qui aurait même tendance à ancrer plus sérieusement les troubles. Souvenez-vous que la priorité, lorsque votre enfant est en difficulté, c’est de venir à son aide et non de la couper de l’échange. Pour l’inciter à ralentir le débit, établissez plutôt le contact corporel : poser une main apaisante sur son bras, regardez votre enfant dans les yeux, asseyez-vous près de lui.
- Lui donner l’exemple
Dans une situation calme, lorsque vous lisez une histoire ou faites de la peinture ensemble, n’hésitez pas à fournir un modèle d’élocution lente, claire. Vous pouvez aussi répéter ses productions en les reformulant, sans lui mettre de pression pour répéter. L’important est qu’il soit exposé à un récit oral de qualité, dans un temps exclusif avec vous, pour ancrer un modèle d’élocution calme.
- Soigner sa confiance en lui
Le bredouillement a tendance à miner la confiance en soi. L’interlocuteur est agacé parce que l’enfant « ne fait pas l’effort » de se faire comprendre en ralentissant le rythme. L’enfant bredouilleur est excédé d’être « repris », finit par se considérer comme un mauvais locuteur et par ne plus faire d’effort. En deux mots, un vrai cercle vicieux !
Alors, n’hésitez pas à mettre en lumière les bonnes capacités de votre enfant par ailleurs, pour nourrir son estime de lui. Qu’il s’agisse d’une performance sportive, d’un bon comportement ou de la réalisation d’un beau dessin, n’hésitez pas à le complimenter. De la même façon, cultivez son sentiment de force en le laissant gagner en autonomie : confiez-lui des « missions », des tâches importantes (mais réalisables ! ) pour qu’il se sente fort et fier de vous aider.
- Proposer une activité apaisante récurrente
Un enfant qui bredouille est souvent pourvu d’une personnalité « bouillonnante » et d’une grande sensibilité. Pour l’aider à s’apaiser et à cultiver le calme intérieur, vous pouvez lui proposer des séances de sophrologie , des temps de méditation guidée ou des petits massages ludiques.
- Favoriser le sommeil
La fatigue accumulée peut majorer le bredouillement, en ce sens qu’elle empêche l’enfant de mettre l’énergie nécessaire à maîtriser son trouble. Faire attention à son débit (en plus des autres manifestations), cela demande de l’attention et une énergie, non seulement cognitive, mais aussi physique.
On pense à tort que les enfants très « toniques » ont besoin d’activité plus que de repos. Or, ils peuvent développer un hyper tonus justement pour compenser un manque de sommeil et de repos réparateur.
N’hésitez donc pas à avancer l’heure du coucher. Vous pouvez aussi instaurer des siestes le week-end et le mercredi, ou même revoir à la baisse le planning des activités extrascolaires, si vous sentez votre enfant débordé. Enfin, vous pouvez aussi vous interroger sur l’utilisation des écrans ou de jeux très/trop stimulants au quotidien.
Ces phrases à éviter face à un enfant qui bredouille…
« Fais doucement, respire ! »
Bien sûr, cela part d’une bonne intention de la part de l’interlocuteur, qui observe un enfant embarqué dans un flot de parole intense et encombré. Mais, attirer l’attention de celui-ci sur sa respiration le coupe encore de l’échange naturel. En plus de tous les paramètres qu’il a à gérer, il faut ENCORE qu’il pense à respirer ?
« Calme-toi, je n’ai rien compris ! »
Lorsqu’il vous parle, un enfant bredouilleur est relativement calme, même si sa production orale ne vous en donne pas l’air. Bien sûr, une telle phrase est dite pour inciter l’enfant à reprendre son récit. Cependant, elle comporte une part de reproche qui risque de le vexer et d’abaisser encore sa confiance en lui…
« Ralentis, réfléchis à ce que tu veux dire ! »
Quand un enfant qui bredouille s’exprime, il pense que sa parole est claire. En fait, il est occupé à essayer de coordonner les mouvements de sa bouche et l’avancée de sa pensée. Il a réfléchi à ce qu’il voulait dire. Il sait ce qu’il veut exprimer. Ce sont les outils pour le faire qui ne fonctionnent pas tout à fait correctement.
Si effectivement, ralentir le débit est une bonne idée pour améliorer le message, il est important d’aider votre enfant à le faire avec douceur et respect, par exemple en lui posant une main sur le bras.
Pour conclure, votre rôle de parent face à un enfant qui bredouille est multiple. D’un côté, vous pouvez lui offrir un modèle d’expression apaisée et lente, ainsi que des espaces de calme. De l’autre, vous pouvez être un interlocuteur actif et bienveillant, pour qu’il ne perde pas goût à l’échange et qu’il garde confiance en ses capacités. Montrez-lui que ce qu’il dit vous intéresse et que vous ne repoussez pas en bloc sa parole incompréhensible. Pour cela, restez attentif et disponible. Mettez-vous à sa hauteur, regardez-le dans les yeux et n’hésitez pas à lui poser des questions fermées (auxquelles il va répondre par oui/non) pour l’aider à préciser sa pensée et vous aider à comprendre ses énoncés. Restez dans une posture de soutien, c’est la meilleure aide que vous pouvez lui apporter !
Sources et Ressources
Dans le cadre d’un mémoire en orthophonie, cette vidéo a été élaborée pour expliquer simplement le bredouillement et le bégaiement, nous vous conseillons vivement de la visionner !
L’APB, une association célèbre qui informe sur la recherche et les thérapies, à destination des parents et des accompagnants.
Un site internet tenu par un « bredouilleur à temps plein », comme il se qualifie lui-même. Vous y trouverez des témoignages et de nombreuses ressources.