De la pose du diagnostic de dyslexie aux séances de prises en charge, l’orthophonie est un pilier de l’accompagnement des personnes dyslexiques. Idéalement, cette prise en charge doit être pluridisciplinaire pour s’adapter au mieux aux besoins et aux spécificités des personnes. Mais saviez-vous précisément ce que l’orthophonie peut offrir aux personnes porteuses d’une dyslexie de surface, phonologique ou mixte ? Chaque orthophoniste possède ses supports de prédilection, ses méthodes de travail et a une obligation de moyen envers son patient, c’est-à-dire mettre en œuvre tous les outils pertinents dont le professionnel dispose pour aider son patient à progresser. Qu’il s’agisse de méthodes conventionnelles ou alternatives, le panel des outils pour traiter la dyslexie est large. Voyons donc ensemble les spécificités de la prise en charge de la dyslexie en orthophonie !
Rappels sur la dyslexie
La dyslexie est un trouble spécifique du langage écrit, lié à des particularités dans le fonctionnement cérébral et à des facteurs génétiques. On observe entre 5 et 10 % de la population concernée par cette pathologie. Le plus souvent, elle est dépistée au cours de l’enfance ou de l’adolescence et persiste à l’âge adulte. En effet, il s’agit d’un trouble structurel qui évolue, auquel les personnes s’adaptent, mais qui ne disparaît jamais.
La dyslexie se manifeste en dehors d’une déficience intellectuelle ou d’un trouble psycho-affectif, dans le cadre d’une exposition scolaire normale.
Dans de nombreux cas, la dyslexie cohabite avec un autre trouble des apprentissages, tel qu’une dysorthographie ou une dyscalculie.
Enfin, les études décrivent une prévalence dans la population masculine. Cependant, il s’agirait plutôt d’une manifestation plus bruyante des mêmes symptômes que dans la population féminine.
Manifestations cliniques du trouble spécifique de la lecture
On décrit généralement 3 types de dyslexie : la dyslexie phonologique, la dyslexie de surface et la dyslexie mixte. Chacune s’exprime selon un panel de symptômes et des degrés de sévérité variables.
- En lecture, il y a une lenteur, des erreurs de décodage (confusion des lettres, inversion, omissions), de reconnaissance globale, un manque de fluidité, des sauts de mots ou de lignes.
- La compréhension des textes est réduite à cause de la lecture laborieuse et des contresens.
- Le coût de la lecture provoque un désordre attentionnel et une fatigue cognitive croissante.
- Il existe des problèmes dans la sphère mnésique, en mémoire de travail notamment.
Une dyslexie a des répercussions sur le plan des performances scolaires et professionnelles, puisqu’elle handicape les personnes en l’absence d’aménagements. Le retard et/ou le décrochage scolaire est un risque à considérer. Par ailleurs, les perturbations dans la sphère émotionnelle sont réelles : frustration, baisse de l’estime de soi, anxiété, évitement.
Idéalement, le diagnostic doit donc être précoce, pour affecter le moins possible la qualité de vie globale des personnes et la prise en charge doit être adaptée aux difficultés observées lors du bilan orthophonique.
Prise en charge pluridisciplinaire de la dyslexie
Parce qu’il s’agit d’un trouble complexe, la recommandation officielle est de déployer une équipe de professionnels de santé autour du patient. Si l’orthophoniste, spécialiste du langage et de la communication, est l’interlocuteur privilégié des personnes dyslexiques, de nombreux professionnels articulent leur action autour de cette rééducation.
Médecin généraliste et pédiatre
Les médecins qui suivent l’enfant sont les premiers interlocuteurs. Ils sont consultés par les parents, parfois incités par les enseignants, inquiets des difficultés de l’enfant à la maison ou à l’école. Ils vont ausculter l’enfant, éliminer des pistes fonctionnelles et diriger les parents vers des spécialistes pour procéder à une évaluation approfondie. Le médecin rédige la prescription de bilan orthophonique et l’orthophoniste lui fait ensuite parvenir les conclusions de celui-ci.
Neuropsychologue
Lorsque le besoin s’en fait sentir, un neuropsychologue peut effectuer des tests pour identifier les forces et les faiblesses cognitives, dans les domaines de la mémoire et de l’attention, notamment. Le bilan neuropsychologique contribue au diagnostic différentiel qui vise à distinguer la dyslexie d’autres troubles d’apprentissage ou de problèmes émotionnels.
Ergothérapeute
Spécialistes des habiletés motrices, leur bilan permet de faire l’état des lieux des difficultés motrices fines, comme la tenue du crayon, qui peuvent affecter l’écriture, le cas échéant. Mais ils sont aussi sollicités lorsqu’on envisage l’adoption de matériels facilitateurs en classe ou sur un lieu de travail : scanner, ordinateur… L’ergothérapeute va effectuer un bilan et aider la personne à intégrer les aides informatiques dans son environnement.
Psychomotricien
Quand il y a un doute sur les compétences motrices, par exemple au niveau de la coordination, un bilan et une prise en charge en psychomotricité peuvent s’avérer nécessaires. Le psychomotricien intervient sur la sphère sensorielle et perceptive, qui peut entraver les apprentissages en termes de mémorisation, d’attention, de repérage spatio-temporel, entre autres.
Pédopsychiatre et psychologue
Une évaluation psychologique est nécessaire dans le cadre de la pose du diagnostic de dyslexie, pour éliminer un trouble qui pourrait expliquer les problèmes en lecture. Par ailleurs, ces professionnels vont évaluer les aspects émotionnels et comportementaux associés aux difficultés d’apprentissage. Dans certains cas, un traitement médicamenteux ou une thérapie de soutien est indiquée s’il y a des troubles concomitants.
Orthoptiste et ophtalmologiste
Dans le cadre d’une pose de diagnostic de dyslexie, il est important de mener une évaluation visuelle, à la fois de l’acuité de la vision, mais aussi de troubles de la convergence ou des problèmes de saccades oculaires. L’idée, c’est de savoir si l’organe est fonctionnel et si la vision est suffisamment compétente en tant qu’outil.
Audiologiste
Pour poser un diagnostic de dyslexie, il va également être important d’éliminer un problème ORL ou une perte auditive qui pourraient expliquer, par exemple, les confusions de sons.
Chaque professionnel apporte une expertise spécifique, que ce soit dans le processus de diagnostic ou la prise en charge thérapeutique. L’accompagnement pluridisciplinaire est la clé pour prendre en compte les besoins complexes des personnes dyslexiques. Voyons donc de plus près le rôle de l’orthophoniste.
Le rôle de l’orthophonie dans la prise en charge des personnes dyslexiques
L’orthophoniste est le partenaire privilégié d’un enfant ou d’un adulte dyslexique. Il intervient depuis la pose de diagnostic jusqu’à la mise en place d’un matériel facilitateur approprié, en passant par des séances de rééducation hebdomadaires.
L’orthophoniste intervient pour deux types de bilan et donc deux prescriptions médicales distinctes :
- Le « bilan orthophonique avec rééducation si nécessaire » impose à l’orthophoniste de fournir le compte-rendu du bilan au médecin prescripteur et donne la possibilité d’enclencher la prise en charge dans la foulée.
- Le « bilan orthophonique d’investigation » suppose également que le médecin prescripteur reçoit les conclusions du bilan. Mais dans ce cas, c’est lui décidera de l’opportunité de démarrer la prise en charge, avec une nouvelle prescription.
Évaluation orthophonique du trouble spécifique de la lecture
Dans le cadre d’une suspicion de dyslexie, l’orthophoniste va devoir investiguer la lecture, l’orthographe, mais aussi les habiletés cognitives, voire le langage oral. Elle s’appuie pour cela sur des tests standardisés et sur une observation clinique des productions du patient.
- Lecture et orthographe
Côté lecture, les épreuves portent sur la lecture de syllabes, de mots réguliers et irréguliers, de logatomes (ou non-mots), de phrases et de textes, chronométrées ou non. Le but, c’est de tester les capacités de déchiffrage ou de reconnaissance globale des mots et, in fine, de compréhension des textes.
Les épreuves orthographiques vont ensuite permettre de mettre en évidence (ou non) une homogénéité des troubles sur le versant écrit, avec la possibilité d’une dysorthographie associée. Pour cela, le patient va devoir transcrire des syllabes, des mots réguliers et irréguliers, des non-mots, des phrases, sous la dictée ou en situation libre. L’orthophoniste analysera, non seulement, la qualité de la relation graphème/phonème, mais aussi le respect des règles grammaticales et syntaxiques.
- Fonctions cognitives
Pour obtenir une image complète des compétences du patient, l’orthophoniste va proposer des épreuves permettant de tester la mémoire, le traitement visuo attentionnel, les capacités visuo constructives ou encore les compétences spatio-temporelles.
- Langage oral
Enfin, même si le motif du bilan orthophonique concerne le langage écrit, l’orthophoniste va vouloir se faire idée du niveau de langage oral du patient. Pourquoi ? Pour analyser avec précision les mécanismes du trouble des apprentissages, mais aussi pour savoir sur quelle compétence s’appuyer pour progresser.
Le bilan va donc inclure des épreuves de métaphonologie, de lexique, de syntaxe (versant expressif et réceptif), d’articulation, voire de praxies bucco faciales.
Une fois le bilan réalisé, l’orthophoniste va rédiger un compte-rendu à l’intention du médecin prescripteur et de la famille, en formulant des recommandations d’axes thérapeutiques. La prise en charge orthophonique peut ensuite démarrer.
Comment est prise en charge la dyslexie en orthophonie ?
Le but de la prise en charge orthophonique est triple, selon le profil du patient : d’abord, travailler les domaines déficitaires, ensuite s’appuyer sur les compétences émergentes et enfin, proposer des aménagements et des stratégies de compensation.
Chaque orthophoniste travaille avec diverses méthodes et différents outils.
- Exercices réductifs
- Exercices de conscience phonologique pour améliorer la capacité à segmenter et à manipuler les sons.
- Entraînement à la correspondance graphème/phonème pour associer les lettres avec leurs sons respectifs.
- Utilisation de cartes mentales et de méthodes visuelles pour aider à l’apprentissage des notions orthographiques et grammaticales.
- Approche multisensorielle (méthode Orton-Gillingham) qui intègre des éléments visuels, auditifs, kinesthésiques et tactiles pour renforcer l’apprentissage.
Concrètement, les orthophonistes déploient une panoplie d’outils et de ressources adaptés aux profils et aux intérêts des personnes dyslexiques : manipulations concrètes, fiches d’exercices, jeux éducatifs (orthophoniques ou traditionnels revisités), outils numériques.
- Méthodes alternatives
Certaines orthophonistes sont formées à des méthodes qui peuvent correspondre aux besoins spécifiques de certains patients. Par exemple, la méthode Padovan basée sur des séquences de mouvements corporels qui réorganisent la sphère cérébrale, ou encore la méthode Montessori qui propose un cheminement concret pour développer le langage écrit, et que les orthophonistes peuvent s’approprier.
De nombreuses orthophonistes se servent également du casque Forbrain pour faire progresser leurs patients, en cabinet et à leur domicile. Inspiré de la méthode Tomatis, le casque Forbrain est doté d’un micro qui amplifie la voix de l’utilisateur grâce à un filtre dynamique. L’idée, c’est d’amplifier les sons qui structurent le langage et donnent du rythme à la voix. En séance, l’orthophoniste peut l’utiliser dans des activités de lecture à voix haute ou de jeu de plateau.
Grâce à ce biofeedback qui agit sur la neuroplasticité cérébrale, les sessions d’entraînement Forbrain vont agir non seulement sur la diction, mais également sur l’attention ou encore la mémoire, comme l’explique Danielle Ségas, ancienne orthophoniste, dans cette vidéo témoignage.
Adapté aussi bien aux enfants qu’aux adultes dyslexiques, le casque Forbrain permet un entraînement cérébral régulier et ludique, en complément d’une prise en charge orthophonique conventionnelle. Les patients peuvent se procurer cet outil révolutionnaire pour poursuivre le travail chez eux, ce qui est fondamental pour progresser. En effet, la régularité et l’intensivité sont les clés d’une prise en charge thérapeutique réussie de la dyslexie.
Vous l’avez compris, l’orthophonie est la réponse privilégiée à la problématique de la dyslexie, dans le cadre d’une prise en charge pluridisciplinaire. Le travail en équipe est en effet indispensable à l’accompagnement des personnes dyslexiques, pour agir à la fois en termes de rééducation et d’adaptation. Un suivi régulier, un travail en équipe et des évaluations ponctuelles des progrès permettent d’ajuster les axes thérapeutiques et les outils proposés. En effet, chaque personne dyslexique est unique : ses difficultés, ses besoins et ses progrès le sont aussi ! Que ce soit par des supports ludiques ou des méthodes alternatives telles que le programme Forbrain, l’orthophonie a un impact significatif dans la vie des personnes porteuses de dyslexie.
Ressources
La nomenclature générale des actes professionnels, version orthophonie.
L’approche Montessori en orthophonie par Christine Nougarolles.
Le mémoire de Sarah Lucas pour l’obtention du Certificat de Capacité en Orthophonie : « Effets de l’entrainement de la boucle audio phonatoire par le casque Forbrain […] chez des patients dyslexiques. »