Parallèlement au perfectionnement des praxies bucco-faciales et d’une déglutition fonctionnelle, l’apprentissage de l’articulation représente une étape clé dans le développement du langage oral de l’enfant. Concrètement, certains sons sont plus difficiles à acquérir que d’autres et il n’est pas rare que certains enfants éprouvent des difficultés à bien prononcer certains phonèmes. Heureusement, il est possible de les aider à la maison avec des exercices ludiques, compatibles avec une prise en charge orthophonique, le cas échéant. Dans cet article, nous allons voir comment fonctionne l’articulation et quelles sont les étapes de son développement. Vous découvrirez aussi 5 exercices simples, ainsi que des conseils pour accompagner votre enfant au quotidien. N’oubliez pas qu’en cas de doute, vous pouvez toujours solliciter un bilan orthophonique qui posera ou non l’indication d’une prise en charge.
Comprendre le mécanisme d’articulation des sons
Bien articuler, ce n’est pas forcément simple !
Il s’agit d’un processus qui repose sur la coordination de plusieurs structures complexes de la sphère oro-faciale. Pour qu’un enfant puisse prononcer un son correctement, il doit donc apprendre à contrôler et à synchroniser différents mécanismes impliqués dans la production des mots.
Les lèvres
Comme leur nom l’indique, les lèvres sont essentielles pour la production des sons labiaux comme P, B et M. Ces sons se forment lorsque les lèvres s’accolent puis s’ouvrent brusquement (P et B) ou lorsqu’elles restent fermées, parallèlement à une vibration nasale (M).
À noter : ici, on évoque le son des phonèmes et non pas le nom des lettres !
En cas de faiblesse musculaire ou d’un manque de coordination des lèvres, on peut remarquer la présence de son « flous » ou mal prononcés. Votre enfant peut par exemple prononcer « bapin » au lieu de « lapin » en fermant les lèvres au lieu de les ouvrir pour entamer le mot.
La langue
Vous vous en doutez, la langue est un élément central de l’articulation. Selon sa position, elle permet de produire des sons distincts :
- Les sons dentaux et alvéolaires comme T, D, N, S, Z nécessitent que la langue touche ou s’approche des dents ou de l’avant du palais.
- Les sons vélaires comme K et G se produisent lorsque l’arrière de la langue touche le voile du palais.
Essayez de prononcer ces sons et ressentez les mouvements de la langue, la précision des points d’articulation. Vous verrez que c’est une mécanique de précision !
Un mauvais positionnement de la langue peut donc entraîner des substitutions de sons, comme dire « tateau » au lieu de « gâteau » si l’enfant ne place pas sa langue assez en arrière pour obtenir le G.

Le palais et les dents
Le palais va jouer un rôle d’appui pour la langue. Il influence aussi la résonance des sons. Les dents, quant à elles, sont importantes pour certains sons comme S et Z, où l’air doit passer entre les dents de façon ajustée.
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Parfois, on constate une mauvaise occlusion dentaire, comme quand la succion du pouce occasionne une béance, autrement dit un « trou » dans l’articulé dentaire. Cela peut perturber la prononciation des sons, puisque les dents ne sont pas là pour faire barrière à la langue. On entend alors une production « sifflante » ou un zozotement.
Les cordes vocales
Les cordes vocales sont situées dans le larynx. C’est grâce à leur vibration qu’on peut distinguer les phonèmes sonores (comme B, D, G, V, Z) et sourds (comme P, T, K, F, S).
Faites l’expérience ! Posez le dos de votre main sur votre gorge et prononcez VVVV. Puis, FFFF. Le schéma d’articulation de ces 2 phonèmes est le même. Mais sentez-vous la vibration, puis la non-vibration des cordes vocales ? Cette distinction est essentielle pour bien différencier certains mots : ici, « voyage » versus « foyage », par exemple.
Dans le développement d’un enfant, l’articulation se développe progressivement, mais en suivant un ordre caractéristique. Certains sons, plus simples à produire, apparaissent traditionnellement tôt (comme P ou M), tandis que d’autres nécessitent plus de contrôle moteur. Ils se stabilisent alors plus tard (comme R ou L).
Si votre enfant rencontre des difficultés persistantes dans la production de certains sons, il peut être utile de consulter une orthophoniste. Cependant, gardez en tête qu’il existe des variations dans les âges d’acquisition (dans le cadre d’un langage oral global qui se développe harmonieusement). Par contre, il est important que les confusions de sons soient réglées pour l’entrée dans le langage écrit.
3 raisons de travailler l’articulation avec votre enfant
- Une articulation précise favorise une bonne communication orale. Les échanges avec les proches, les enseignants et les autres enfants sont alors facilités. Lorsque la prononciation est très approximative, il peut y avoir des malentendus et même une limitation des interactions sociales.
- Une bonne articulation est directement liée à l’apprentissage du langage écrit. En effet, si un enfant prononce mal un son, il peut avoir des difficultés à l’associer à la bonne lettre lorsqu’il commencera à lire et à écrire. Par exemple, un enfant qui dit « chabeau » au lieu de « chapeau » pourrait avoir du mal à écrire correctement le mot.
- Une difficulté d’articulation isolée peut être résolue assez rapidement, lorsque l’enfant a intégré le bon schéma moteur. Il est donc important de proposer un entraînement régulier à la maison sur la base d’exercices simples, alliés à un accompagnement orthophonique, le cas échéant.
Les grandes étapes du développement articulatoire
- Vers 2 ans, l’enfant maîtrise généralement les voyelles, les consonnes labiales et dentales simples comme P, B, M, T, D, N. Ces phonèmes sont accessibles au jeune enfant, car ils nécessitent peu de coordination et impliquent des mouvements visibles des lèvres et de la langue.
- À 3 ans, les sons K et G, produits à l’arrière de la bouche, ainsi que les fricatives F et V apparaissent progressivement. À cet âge, des substitutions peuvent apparaître, comme remplacer G par T (« tato » au lieu de « gâteau »). C’est un phénomène fréquent qui n’est pas préoccupant.
- Vers 4 ans, les sons S et Z sont mieux maîtrisés. On observe parfois un zozotement ou un stigmatisme interdental, le plus souvent causé par une habitude de succion qui peine à s’arrêter. Selon la maturité et la gêne de l’enfant, il peut être pertinent d’obtenir un avis orthophonique.
- Aux environs de 5 ans, l’enfant acquiert des sons plus complexes comme CH, J et L. À cet âge, l’intelligibilité globale est bonne, mais quelques erreurs occasionnelles sont encore possibles.
- Entre 6 et 7 ans, le son R, qui demande une grande précision de la langue, ainsi que les groupes consonantiques (comme TR, DR, GR) se stabilisent. À cet âge, un enfant doit être capable de prononcer correctement tous les sons de la langue française, pour aborder sereinement l’apprentissage du langage écrit.
Quand s’inquiéter d’une difficulté de prononciation des sons ?
Répétons-le, chaque enfant progresse à son propre rythme, mais certains signes peuvent mettre la puce à l’oreille, pour détecter une difficulté méritant l’intervention d’une orthophoniste. En l’occurrence : la persistance des erreurs de substitution (ex. dire « tat » au lieu de « chat » après 5 ans), un discours global difficile à comprendre pour des personnes extérieures à la famille après 4 ans, ou encore l’absence totale d’un son.
Un bilan orthophonique permet alors d’évaluer la situation et d’accompagner l’enfant avec des axes thérapeutiques adaptés (prise en charge régulière, accompagnement parental, indication d’examens complémentaires).

5 exercices pour aider votre enfant à mieux parler
Pour travailler sa prononciation, il est important de proposer régulièrement à votre enfant des activités ludiques, adaptées à son niveau.
Attention, la notion de jeu est importante pour ne pas cristalliser sa difficulté d’articulation !
- Placez-vous avec votre enfant devant un miroir et encouragez-le à observer sa bouche lorsqu’il prononce des sons précis. Vous pouvez exagérer les mouvements pour qu’il voie bien la position des lèvres et de la langue. Cet exercice l’aide à comprendre comment il doit positionner sa bouche pour chaque son.
- Transformez les sons en bruitages amusants : Le train fait « ch-ch-ch », le serpent siffle « sssss », le moteur de l’avion fait « vvvvv ». Ces analogies aident l’enfant à reproduire les sons de manière naturelle.
- Dites un mot contenant un son précis (par exemple : « sapin » pour le S, en insistant bien sur le premier phonème) et demandez à votre enfant de trouver d’autres mots contenant le même son. Cela l’aide à identifier et reproduire le son plus facilement.
- Présentez à votre enfant deux mots qui ne diffèrent que par un son (« sou » et « chou »). Demandez-lui de les répéter en exagérant la différence. Cet exercice aide à affiner sa perception auditive des sons.
- Lisez une histoire en mettant en valeur un son précis. Par exemple, insistez sur le CH dans une histoire où il est répété souvent. Cette immersion aide l’enfant à mieux entendre le son.
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À retenir
- Quand votre enfant produit une confusion de son, reformulez correctement sans le reprendre directement (S’il dit « un tat » pour « un chat », vous pouvez répondre : « Ah oui, tu as vu le chat ? »).
- Les jeux de sons, les comptines aident à prendre conscience des mouvements de la bouche.
- Faire des grimaces, souffler dans une paille, gonfler les joues ou lécher un yaourt avec la langue permet de renforcer les muscles impliqués dans l’articulation.
- Chaque enfant évolue à son propre rythme. Évitez de le forcer à répéter un mot s’il n’est pas prêt.
- Si certaines difficultés persistent et si vous vous inquiétez pour le niveau de langage global de votre enfant, consultez une orthophoniste. Elle saura, le cas échéant, détecter un trouble structurel plus important et proposer une prise en charge adaptée.