Lorsqu’un enfant présente des difficultés en mathématiques, on peut entendre qu’il « n’a pas la bosse des maths » ou encore que « ce n’est pas un scientifique ». Souvent banalisés, ces troubles cachent parfois une vraie pathologie issue de la grande famille des « dys » : la dyscalculie. Ce trouble spécifique des apprentissages numériques intervient par exemple dans la compréhension et le traitement des nombres, la mémorisation des tables ou encore les situations de calcul et de résolution de problèmes. Il est important de connaître ce trouble dys. On le minimise fréquemment et, pourtant, il peut impacter la vie scolaire des enfants, mais aussi la vie quotidienne et professionnelle des adultes dyscalculiques. Voyons ensemble ce trouble des apprentissages, comment le dépister et le prendre en charge et de quelle façon aider votre enfant au quotidien. 

Des difficultés en calcul, mais pas seulement ! 

Définition de la dyscalculie

Dans la grande famille des troubles dys, vous avez sûrement déjà entendu parler de la dyslexie, de la dysgraphie ou encore de la dyspraxie. Ces troubles spécifiques des apprentissages impactent à différents niveaux la vie scolaire et quotidienne des enfants.

La dyscalculie va concerner les apprentissages numériques, mathématiques et peut s’exprimer dès le début de la scolarité. On considère que ces difficultés en calcul, de type neuro-développementales, existent chez environ 6 % des enfants, garçons et filles confondues.

Il faut noter que, comme pour tous les troubles dys, on va parler de dyscalculie s’il n’existe pas, par ailleurs, d’autres troubles pouvant expliquer les difficultés observées en mathématiques : pas de déficience intellectuelle, ni trouble sensoriel ou psychologique. En outre, l’enfant doit avoir fait l’objet d’une scolarisation régulière. 

Une dyscalculie peut exister de façon concomitante avec un ou plusieurs autres troubles dys : dyslexie, dysorthographie, dyspraxie… On peut évoquer alors une « constellation des dys ».

Enfant jouant avec des chiffres

Les causes de la dyscalculie

La dyscalculie est un trouble neuro développemental. Les hypothèses avancées par la recherche vont dans le sens d’un fonctionnement cérébral différent, avec un facteur génétique. 

On distingue deux profils de dyscalculie. 

Parfois, les difficultés en calcul s’inscrivent dans un contexte cognitif global : problèmes de mémoire, de planification, de compréhension du langage mathématique. 

Et parfois, on peut décrire un trouble « pur » où seuls les faits numériques sont atteints. Dans ce cas, l’enfant ne perçoit pas la notion de quantité ou ne fait pas le lien entre l’écriture d’un nombre et sa forme orale, par exemple.

Ce trouble spécifique des apprentissages peut, comme la dyslexie, être compensé par l’enfant en début de scolarité et passer inaperçu. Il s’exprime généralement en cours d’école primaire ou à l’entrée au collège, lorsque les exigences en mathématiques s’accroissent. 

Les symptômes de ce trouble des apprentissages 

Fréquemment, la suspicion de dyscalculie intervient lorsque l’enfant doit résoudre des problèmes à l’école. En effet, c’est un exercice qui implique de multiples processus cognitifs que l’enfant dyscalculique n’est pas en capacité de mobiliser ni de coordonner. 

Cependant, dès le début de la scolarité, vous pouvez être alerté par certains signes d’appel :

  • Votre enfant ne parvient pas à percevoir la notion de quantité, à estimer quelle poche de bonbons semble la plus remplie.
  • Il n’automatise pas la comptine numérique (1,2,3,4…), ce qui ne lui permet pas de compter efficacement. Chaque fois qu’il recompte une même quantité d’objets, il obtient des résultats différents, par exemple. 
  • Du point de vue spatial, la géométrie ou le fait de poser une opération se révèle compliqué et il existe parfois des problèmes de latéralité. 
  • Votre enfant ne fait pas le lien entre le mot « trois », sa forme écrite, sa quantité effective, sa représentation en chiffre arabe. 
  • Lire et écrire des nombres est compliqué. On observe des omissions de chiffres ou des ajouts. Parfois, l’enfant écrit « comme ça s’entend », sans s’appuyer sur la base de 10 de notre système. Pour 478, il va écrire 410060108, par exemple. 
  • Le calcul mental, la compréhension des fractions, des mesures ou la mémorisation des tables de multiplication sont le plus souvent impossibles sans support visuel. 
  • Enfin, la résolution de problèmes se révèle très compliquée. En effet, votre enfant se trouve face à une combinaison de tâches extrêmement complexes et énergivores : comprendre l’énoncé écrit, en extraire les informations pertinentes, choisir et réaliser des opérations, vérifier que le résultat a du sens, écrire son cheminement de pensée en mobilisant des structures de raisonnement logique… 

Ces difficultés peuvent bien sûr exister de façon transitoire dans le cadre d’un apprentissage classique des mathématiques. Néanmoins, si elles durent dans le temps et commencent à impacter significativement les activités quotidiennes et scolaires de votre enfant, il sera bon d’aller vers un bilan de dépistage pour écarter tout trouble logico-mathématique. 

En effet, si la dyscalculie n’est pas prise en charge, on retrouve à l’âge adulte des personnes qui se disent irrémédiablement « mauvaises en maths ». Concrètement, ce sont des adultes qui ont des difficultés à se repérer dans le temps, à s’orienter, à gérer leur argent, à planifier leur agenda, à anticiper des rendez-vous médicaux, à estimer des quantités. 

Qui consulter pour dépister une dyscalculie ?

L’orthophoniste, spécialiste des troubles dyscalculiques

Concernant la dyscalculie, c’est souvent l’enseignante de votre enfant qui va émettre un signal d’alerte en notant un bas niveau en mathématiques, par rapport aux autres matières. 

En tant que parent, vous allez aussi noter des indices lorsque votre enfant fait ses devoirs : évite-t-il les maths ? Se décourage-t-il face aux tables de multiplication ? Avez-vous l’impression qu’il comprend les énoncés des problèmes ? 

Si les difficultés s’installent, que le quotidien et le moral de votre enfant commencent à en souffrir, n’hésitez pas à consulter une orthophoniste. Le bilan va permettre d’effectuer un état des lieux des capacités logico-mathématiques de votre enfant. D’une part, grâce à des observations cliniques et, d’autre part, grâce à la passation de tests standardisés. 

Le cas échéant, l’orthophoniste vous conseillera d’effectuer des tests complémentaires pour écarter d’autres causes possibles, ou pour affiner son diagnostic : 

  • Bilan neuropsychologique pour tester les compétences de mémoire, d’attention.
  • Bilan orthophonique de langage oral et/ou écrit si c’est la compréhension du langage mathématique qui semble poser un problème, ou si on suspecte des troubles dys associés.
  • Bilan en psychomotricité lorsque des difficultés de repérage spatial ou de latéralité se font sentir.
  • Bilan psychologique pour évaluer certaines habiletés en lien avec le QI. 

Une fois le bilan effectué, l’orthophoniste pose son diagnostic, émet des recommandations d’adaptations dans la sphère scolaire et propose une prise en charge. 

Quelle prise en charge pour la dyscalculie ?

Comme les autres troubles spécifiques des apprentissages, la dyscalculie est un trouble durable. 

En prise en charge, l’orthophoniste va aider votre enfant : 

  • À développer les capacités qui lui manquent.
  • À s’appuyer sur les compétences qu’il possède pour compenser.
  • À mettre en place des adaptations qui vont faciliter sa vie : mise à disposition des tables sur un support, recours à la calculatrice, lecture guidée des problèmes, autorisation de compter sur les doigts, utilisation de jetons, etc.
Enfant jouant avec un boulier

Gérer un trouble des apprentissages numériques : nos conseils 

Pour aider votre enfant dyscalculique, le mot d’ordre va d’abord être de soulager ses opérations mentales, en lui permettant d’utiliser des moyens compensatoires. Ainsi, lorsqu’il fait ses devoirs, permettez-lui de réciter la comptine numérique, de dessiner les quantités, de consulter les tables de multiplication, de matérialiser les quantités par des jetons…

D’autre part, vous allez jouer un rôle prépondérant dans son appétence pour les mathématiques ! En effet, un enfant soumis quotidiennement à des difficultés de calcul peut avoir une réaction de découragement et de rejet. 

En tant que parent, favorisez les situations ludiques, qui vont cultiver la motivation !

  • Avec les plus petits, misez sur des livres et des comptines à doigts (1,2,3, nous irons au bois), comptez les marches en même temps que vous les montez avec l’enfant et aidez-le à compter sur ses doigts en toute occasion (le nombre de voitures garées sur le parking, le nombre de biscuits pour son goûter).
  • Mettez en place des situations où votre enfant va devoir estimer « le plus et le moins ». À vue d’œil, dans quelle panière y a-t-il le plus de peluches ? Sur l’étal du maraîcher, vois-tu plus de salades ou plus de carottes ? 
  • Une très bonne activité de planification consiste à mettre la table ! En effet, il faut anticiper combien de couverts préparer, combien il en manque en regardant ce qui a déjà été posé.
  • Cuisinez ensemble ! C’est une mise en situation parfaite pour approcher les mesures, la proportionnalité, le temps (de cuisson).
  • Les jeux de dés sont très adaptés au travail de la comptine numérique : le jeu de l’oie, le jeu des petits chevaux, puis des jeux avec un niveau plus compliqué, type Rummikub ou Calculodingo.

L’essentiel est vraiment d’adopter une attitude bienveillante, de dédramatiser et d’accepter les erreurs comme autant d’occasions de comprendre les maths. 

Pour résumer, la dyscalculie est un trouble spécifique des apprentissages qui gagne à être connu, car il reste sous-diagnostiqué. En effet, on a encore tendance à considérer les difficultés en mathématiques comme une fatalité. Or, parfois, c’est bien une dyscalculie sous-jacente qui empêche l’enfant d’accéder à la compréhension des faits numériques. Un bilan, puis une prise en charge orthophonique le cas échéant, peut permettre à votre enfant d’entraîner ses capacités et de développer des mécanismes compensatoires. Cela va lui faciliter son quotidien à l’école et renforcer sa confiance en lui. Pour aller plus loin, nous vous conseillons le livre Aider son enfant à compter et calculer de Delphine de Hemptinne (Éditions De Boeck Supérieur).

Bon à savoir : Pour consulter une orthophoniste, vous devez demander au médecin généraliste ou au pédiatre qui suit votre enfant une ordonnance pour « Bilan de la cognition mathématique (Troubles du calcul et Troubles du raisonnement logico-mathématique). Source : Nomenclature Générale des Actes en Orthophonie.

Étiqueté dans :