Une naissance est dite prématurée si elle intervient avant 37 semaines de grossesse. On parle de grande prématurité lorsque le bébé naît entre le 6ᵉ et le 7ᵉ mois de grossesse. En deçà de 6 mois de grossesse, on parle de très grande prématurité. On compte environ 60000 naissances/an en France, dont 20 % de grands et très grands prématurés. Une naissance prématurée est synonyme de prise en charge médicale, avec son cortège de soins plus ou moins longs, plus ou moins invasifs, pour accompagner le bébé vers un développement harmonieux. La prise en charge qui s’organise autour de ces enfants prématurés est pluridisciplinaire et l’orthophoniste fait partie de l’équipe, pendant l’hospitalisation du nourrisson ou dans les années qui suivent cette naissance particulière. Voici comment l’orthophonie peut aider les enfants prématurés.

L’orthophonie comme aide à l’alimentation des bébés prématurés

C’est en service de néonatalogie que l’enfant né prématurément est pris en charge, avec ses parents. Durant l’hospitalisation, l’orthophoniste peut être amenée à rencontrer la famille, entre autres, autour de problématique de la prise alimentaire.

Apprendre à manger avec l’orthophoniste

Le bébé né trop tôt n’a pas eu le temps de bien s’entraîner au mouvement de succion. Parfois, il est nécessaire de mettre en place une alimentation par une sonde nasogastrique, tant que le bébé n’arrive pas à coordonner succion, déglutition et respiration. La prise alimentaire par la bouche peut, elle aussi, être rendue difficile parce qu’elle engendre de la fatigue ou des fausses routes. 

En effet, certaines lésions neurologiques liées à la situation de prématurité, particulièrement avant 37 semaines d’aménorrhée, peuvent perturber les réflexes de l’alimentation et provoquer une altération de la succion et de la déglutition. Ces fonctions étant encore immatures, les bébés ont par exemple du mal à coordonner l’ouverture de bouche et la recherche du sein.

Rendre le bébé autonome dans sa prise alimentaire est ainsi un enjeu majeur de la prise en charge orthophonique pendant l’hospitalisation et un signal fort pour envisager le retour à la maison.

Bébé prématuré et orthophonie

L’orthophoniste peut donc rencontrer les parents et le bébé pour les soutenir dans le domaine de l’oralité. Elle va  : 

  • Aider à la stimulation de la sphère orale, par des massages spécifiques.
  • Pousser le bébé vers la maîtrise de la succion en exerçant ses mouvements de langue/bouche et en l’aidant à synchroniser sa succion avec sa déglutition et sa respiration. 
  • Rendre la sphère orale efficiente, en proposant au nouveau-né des stimulations olfactives, suscitant la salivation et l’attrait pour les aliments.
  • Être attentive à l’installation de troubles de l’oralité alimentaire. 
  • Soutenir les parents pour qu’ils dépassent leurs craintes au niveau de l’alimentation, qu’ils installent de bons réflexes et choisissent les bons outils pour alimenter leur bébé.

Ainsi, l’orthophoniste peut intervenir dès la période d’hospitalisation du bébé. S’il y a eu pose d’une sonde nasogastrique, elle va montrer aux parents comment accompagner le développement de la zone bucco-faciale et éviter qu’un dysfonctionnement de l’oralité alimentaire ne s’installe. En effet, les massages doivent être répétés au quotidien, parfois jusqu’au passage de l’alimentation liquide à l’alimentation solide, pour assurer l’autonomie alimentaire. 

Lorsque l’enfant rentre à son domicile, un suivi régulier peut donc être mis en place en cabinet libéral ou en service de jour à l’hôpital, généralement une fois par an pour surveiller le développement harmonieux de la sphère alimentaire, du langage oral et, plus tard, du langage écrit. 


L’intérêt d’un suivi régulier, c’est de pouvoir mettre en place une prise en charge orthophonique rapidement si des difficultés sont notées, qu’il s’agisse de troubles de l’oralité ou de troubles des apprentissages, par exemple.

La prise en charge orthophonique des troubles de l’attention

Une étude norvégienne publiée en 2018 indique que les enfants nés prématurément seraient plus susceptibles de développer un trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité (TDAH) en âge scolaire. Et ce, même en cas de prématurité modérée, dès lors que la naissance survient avant 37 semaines de grossesse. 

Cette étude fait mentionne que : 

  • Les enfants nés prématurément présentent plus de symptômes de TDAH que les enfants nés à terme. Cela vaut de façon égale pour les symptômes du TDAH en général et pour les dimensions d’inattention, d’hyperactivité et d’impulsivité séparément, de façon isolée.
  • La survenue des troubles de l’attention chez ces enfants n’est pas une résultante uniquement génétique, ni environnementale. 
  • Les filles sont plus touchées par le TDAH dans le cadre d’une prématurité.
  • Les troubles de l’attention persistent bien après l’apprentissage de la lecture, mais les symptômes d’hyperactivité et d’impulsivité se sont normalisés vers l’âge de 8 ans.

On comprend donc l’intérêt d’un suivi orthophonique pour dépister au plus tôt les troubles de l’attention et pour atténuer leur impact sur les apprentissages scolaires.  

Les troubles cognitifs et la prématurité

Indépendamment de sa cause, la prématurité est un facteur de risque de troubles neuro-développementaux. 

Les troubles neuro développementaux chez les enfants nés prématurément

Ces troubles se caractérisent par un développement cognitif ou affectif perturbé, entravant l’enfant dans son fonctionnement scolaire, social ou familial. On peut penser aux troubles du spectre de l’autisme, à la déficience intellectuelle (de degré variable), au TDAH, au trouble des fonctions exécutives (mémoire de travail, flexibilité mentale). 

Enfin, on peut citer les troubles de la grande famille des DYS : dyslexie, dysorthographie, dysphasie ou dyspraxie. Les études mentionnent que les enfants nés prématurément rencontrent 2 à 10 fois plus fréquemment ce genre de troubles spécifiques, touchant le langage oral ou écrit. 

L’étude française Epipage a, en outre, mis en évidence que les enfants grands prématurés avaient significativement plus de troubles du comportement, au moment de l’adolescence : 

  •  20 % d’entre eux contre 9 % des enfants tout venant pour le trouble global du comportement.
  •  20 % versus 11 % concernant l’hyperactivité.
  • 15 % contre 10 % pour les troubles dits émotionnels.
  • 14 % versus 7 % au sujet des troubles relationnels avec les autres enfants.
  • 15 % des enfants prématurés contre 11 % des enfants tout venant pour les troubles du comportement social.
Bébé prématuré et TDA

Origine des troubles cognitifs dans le cadre de la prématurité

Les troubles décrits ont une origine multifactorielle. Les chercheurs posent plusieurs hypothèses : 

  • Une immaturité ou des lésions cérébrales spécifiques.
  • Des mécanismes d’adaptation spontanée trop coûteux pour le bébé. 
  • Les conséquences d’une séparation maternelle trop longue ou non accompagnée.

On comprend donc l’intérêt d’une prise en charge précoce et pluridisciplinaire, non seulement du bébé prématuré, mais aussi des parents qui peuvent être pris au dépourvu par cette naissance particulière. 

Ainsi, les services de néonatalogie ont aujourd’hui à cœur de favoriser les soins de développement et la proximité du bébé avec ses parents. Au retour à domicile, une surveillance doit être déployée, qu’il s’agisse d’un suivi en ergothérapie,orthophonie, psychologie ou pédopsychiatrie, en plus du suivi médical classique. 

La prise en charge orthophonique du langage chez les bébés prématurés

L’orthophoniste a également pour rôle d’accompagner les parents et leur bébé dans l’émergence des précurseurs à la communication. En effet, avant le langage à proprement parler, le bébé doit passer par un certain nombre de stades qui peuvent être perturbés chez l’enfant prématuré : vocalisations, babillages, imitation, regard, attention conjointe, jeu symbolique…

Mettre en place un suivi orthophonique régulier permet de surveiller l’émergence de ces compétences, et de venir les stimuler sans perdre de temps si l’on s’aperçoit qu’un décalage trop important se met en place.

Pour certains bébés, l’orthophoniste peut conseiller la mise en place de signes issus de la LSF, qui favorisent la communication et la compréhension des tout-petits. 

N’hésitez donc pas à prendre rendez-vous pour un bilan orthophonique, et ce, même pour un bébé qui ne parle pas encore ! L’orthophoniste saura vous guider pour stimuler les compétences pré-langagières de votre enfant et surveillera avec vous son évolution, vers l’acquisition d’un langage oral harmonieux. 

Sources et Ressources

Une vidéo très accessible dans laquelle une neuropsychologue parle du lien entre prématurité et TDAH.

Dans cette vidéo, une orthophoniste parle aux parents du lien entre oralité et prématurité, avec de précieux conseils pour le quotidien. 

Le dossier de l’Inserm au sujet de la prématurité, pour mieux comprendre et accompagner les enfants nés précocement.

Un site ressource pour les parents de bébés nés prématurément, celui de SOS Préma, débordant d’informations et d’actualités dans le monde de la prématurité. Sur le site Petit mais Costaud, voici l’interview d’un orthophoniste qui s’est spécialisée dans l’accompagnement des enfants prématurés.